Critique : Margin Call

Arno 21 mai 2012 0
Critique : Margin Call

Réalisateur : J.C. Chandor
Acteurs : Jeremy Irons, Kevin Spacey, Demi Moore, Zachary Quinto, Paul Bettany
Genre : Thriller
Année de production : 2011
Date de sortie en France : 2 mai 2012
Pays de production :  Etats Unis
Durée : 1h47
Classification : Tout public

Grâce au premier volet de « Wall Street » en 87, le personnage de Gordon Gekko était devenu l’icône définitive de l’ultra-libéralisme cynique et décomplexé. A tel point que l’on puisse soupçonner son fameux axiome « greed is good » d’avoir inspiré certains financiers dans le monde réel. Avec « Margin Call », le nouveau venu J.C. Chandor dépoussière le genre du thriller financier, en proposant le voyage en sens inverse. Cette fois-ci c’est la réalité qui s’invite au cinéma pour un huis clos de 24h précédant la crise des sub-primes de 2008. On achète ou on vend ?

Synopsis: Pour survivre à Wall Street, sois le premier, le meilleur ou triche. La dernière nuit d’une équipe de traders, avant le crash. Pour sauver leur peau, un seul moyen : ruiner les autres…

Affiche du film Margin CallUn casting d’acteurs brillants mais vieillissants mêlés à des jeunes prometteurs, un huis clos enfermant une action qui aura des répercussions planétaires, une ambition forte (montrer le système) avec des moyens extrêmement limités (3 millions de $): « Margin Call » est un film rempli de paradoxes, dans sa construction comme sa réalisation. Force est de reconnaître que cela fonctionne plutôt bien, tant cet apocalypse en open-space recèle une belle intensité et s’avère haletant.  J.C. Chandor prend en plus le parti de ne montrer ni diables, ni super héros, la petite dizaine de personnages traversant le film étant traitée avec un ton assez juste, distancié, évitant l’écueil du manichéisme caricatural qui séparerait les gentils exécutants qui n’ont pas le choix des méchants et cupides décideurs.

La propagation inéluctable de la catastrophe, du dernier des lampistes aux plus hautes sphères de la monarchie administrative, donne l’occasion de découvrir les différents maillons de la chaîne alimentaire et d’en comprendre davantage les mécanismes. Ceux qui auront suivi en direct la chute de Lehman Brothers seront en terrain connu, les autres y verront l’occasion d’une plongée inquiétante dans les chiffres et la technique, sous la lumière clinique et didactique du réalisateur. Palpitant !

Mais si le sujet est passionnant et le résultat final plutôt intelligent, le rythme inégal et certaines lourdeurs dans la narration viennent plomber l’ensemble. On sent la caméra de J.C. Chandor s’égarer par moments dans de l’imagerie et de la symbolique au rabais, faisant perdre au film une partie de sa substance à mesure que les heures s’égrènent. Et bien que ce soit plutôt la raison d’être d’un excellent brûlot comme «Inside Job», on aurait apprécié une prise de position plus tranchée sur les responsabilités individuelles. Car présenter les marchés financiers comme un Béhémoth incontrôlable revient en partie à absoudre certains décideurs de leurs péchés, et cette neutralité dans le ton finit par agacer.

Témoignage d’un monde à l’agonie qui essaye de survivre à tout prix, «Margin Call» divise. Il suffit de tendre l’oreille en sortie de projection : élitiste, théâtral, intelligent, intéressant mais pas assez partisan… S’il ne trouvait pas grâce du fait de son sujet qui met tout le monde d’accord et qui réhabilite le cerveau, le film se ferait probablement descendre en raison de l’inconsistance de sa réalisation. Reste que l’objectif est atteint : on en ressort avec un petit frisson dans le dos, et la certitude que le maelström dans lequel nous sommes plongés n’est qu’un épisode dans une triste histoire qui se répète, et qui arrivera encore…Une bonne surprise, en attendant le «Cosmopolis» de Cronenberg.

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