Critique : Transformers : L’âge de l’Extinction (Michael Bay)

Antoine 16 juillet 2014 0
Critique : Transformers : L’âge de l’Extinction (Michael Bay)

Réalisateur : Michael Bay
Acteurs : Mark Wahlberg, Stanley Tucci, Kelsey Grammer, Nicola Peltz, Jack Reynor…
Genre : Menu destruction massive plus.
Date de sortie française : 16 juillet 2014
Nationalité : USA, Chine
Durée : 2h45
Classification : tout public

Pour son grand retour à la tête des Transformers, Michael Bay livre un blockbuster aussi divertissant qu’ambivalent.

TRANSFORMERS-4-afficheEst-il si facile de cerner Michael Bay ? Pas si sûr, tant son cinéma est l’un des plus ambivalents du moment. Après des blockbusters réalisés à la chaîne et basés sur des tics plus ou moins haïssables des années 90, le bonhomme a créé ses propres règles, imposant à Hollywood par ses succès commerciaux une imagerie bourrée d’effets visuels et de destruction massive, dont le paroxysme correspond à la première trilogie Transformers. Les cinéphiles du monde entier se sont alors indignés (malgré un nombre croissant de fans) devant cette vision du cinéma de divertissement comme un pur produit de consommation livré façon fast-food. Et puis, il y a eu No Pain No Gain, véritable tournant dans la carrière de Destruction Man, qui prouvait avec un budget réduit qu’il était capable de raconter une histoire centrée sur des personnages, avec un regard critique sur leur univers. En bref, une vraie vision d’auteur. Dès lors, de nombreux avis ont changé à propos de la filmographie de Bay, dont le cynisme dissimulé dans ses grosses productions a été (re)découvert, comme si ce dernier n’assumait plus (ou assumait d’un air amusé) les codes du blockbuster moderne auxquels il a énormément contribué. L’affiche de ce Transformers 4 dit-elle donc la vérité quand elle affirme que « les règles ont changé » ?

New Divide.

Cade Yaeger (Mark Wahlberg) va passer une sale journée...

Cade Yaeger (Mark Wahlberg) va passer une sale journée…

Il est vrai que la première partie du film (disons la première heure) a de quoi étonner. L’intrigue se développe gentiment, tout comme les nouveaux personnages. Si la notion de scénario est toujours abstraite dans les films Transformers, Bay et ses scénaristes semblent enfin avoir compris qu’il est plus simple d’accepter la déferlante d’action offerte quand il y a un minimum d’attache avec les personnages. Cade Yaeger (Mark Wahlberg) est ainsi bien plus sympathique que Sam Witwicky dans les précédents long-métrages. Ingénieur raté du fin fond du Texas, il se procure de vieilles pièces de mécanique comme il peut pour pouvoir financer les études de sa bonnasse de fille (Nicola Peltz, à peine plus utile que les personnages féminins des autres volets). Sauf qu’un jour, le camion délabré qu’il achète n’est autre qu’Optimus Prime, sérieusement blessé par une embuscade humaine. La meilleure idée du script provient certainement de ce retournement de situation. Depuis la bataille de Chicago dans La Face cachée de la Lune, la population a peur de ces aliens, qu’ils soient Autobots ou Decepticons. La CIA a mis en place un programme d’éradication des Transformers, en coopération avec un chef d’entreprise taré et ambitieux (Stanley Tucci, qui s’amuse bien), voulant récupérer le métal dont les robots sont faits pour créer ses propres modèles.

Et Prométhée donna le métal aux hommes…

Tas de ferraille ou robots dotés d'une âme ?

Tas de ferraille ou robots dotés d’une âme ?

Avec cette reprise en main de l’humanité, Bay rappelle qu’il est l’un des cinéastes ayant le mieux refléter, depuis 2007, la paranoïa américaine inhérente à ce début de siècle. La science-fiction ne décrit plus la conquête spatiale ou la volonté de l’homme d’être un pionnier. Au contraire, c’est lui qui se fait attaquer sur son propre territoire, terrain de jeu d’un combat qui le dépasse. N’en déplaise à ses détracteurs, le réalisateur affirme ici qu’il a bien un style. Un style vulgaire et bourrin, certes, mais surtout représentatif de son époque, et tout particulièrement par rapport à ses choix narratifs en matière de SF. On ne s’étonne donc plus de retrouver certains de ses tics de mise en scène (les ralentis, les contre-plongées sur des personnages sortant de leur véhicule, et surtout une caméra très mouvante), mais on peut être surpris de la façon dont l’univers de la saga s’étend. En effet, si l’idée n’est qu’esquissée pour la laisser se développer dans les suites, il est question des créateurs des Transformers, qui seraient entre autres responsables de l’extinction des dinosaures (!). Michael Bay a vraisemblablement vu Prometheus, car ils regrettent désormais leur conception au point de vouloir la récupérer pour l’anéantir. C’est cet élément qui rend le film schizophrène, tant un double du cinéaste semble se dessiner derrière ces extraterrestres expérimentateurs, comme s’il prenait (enfin) conscience de la connerie du concept d’origine, existant uniquement pour vendre des jouets. L’un des protagonistes affirme à Optimus Prime et à sa bande qu’ils ont été « fabriqués », ne les renvoyant qu’à des amas de tôle froissée sans âme, de simples objets utilitaires transformés en héros malgré eux.

Armageddon.

Avec les Dinobots, c'est parti pour l'attraction !

Avec les Dinobots, c’est parti pour l’attraction !

Le charme de Transformers vient peut-être de cette manière forcée mais généreuse de donner vie à des êtres inanimés, de revenir à un héroïsme désuet à l’heure des super-héros mal dans leur peau. L’artificialité du récit est consciente, donc plus facilement pardonnable. Pour l’une des premières fois de sa carrière, Bay prend du recul avec l’image de son propre cinéma. Lucidement, il constate que les héros sont fabriqués, à l’image d’Optimus Prime, réveillé par Cade après que ce dernier l’ait trouvé dans un cinéma désaffecté. Néanmoins, comme d’habitude, la sincérité du réalisateur se traduit avant tout par sa volonté de spectacle total. Malgré les sempiternels problèmes de rythme de la franchise, L’âge de l’Extinction se révèle bien plus digeste que ses prédécesseurs (et ce malgré sa durée de 2h45). Soyons honnêtes, quel que soit le fil conducteur, l’attente du spectateur concerne avant tout la mise en scène de Michael Bay, qui relève presque aujourd’hui du travail d’orfèvre. Chaque scène d’action est étudiée pour son efficacité de divertissement, mais aussi pour ses capacités de destruction. Les contrastes d’échelle sont légion pour appuyer le gigantisme du chaos ambiant, tandis que la 3D (réussie) aide à l’immersion. Tel un gosse qui ne voudrait pas s’arrêter de tout casser, Bay refuse que sa caméra soit immobile, tout en conservant une lisibilité que n’avaient pas forcément les premiers films. D’une traque sur l’autoroute à une pluie de métal s’écroulant sur les rues de Hong Kong, en passant par une course-poursuite en vaisseaux, le vertige et le frisson deviennent les maîtres mots du cinéaste, dont la volonté sincère est de livrer le roller coaster ultime, de redéfinir le film d’action à 200 millions de dollars après les passages remarqués de Man of Steel et de Pacific Rim (dont il s’est inspiré).

Pro-humains ou pro-Transformers ?

Les Autobots ne seraient-ils pas plus humains que les humains ?

Les Autobots ne seraient-ils pas plus humains que les humains ?

On ne peut alors que s’interroger sur le deuxième long-métrage qui se cache dans Transformers 4, celui d’un Michael Bay cynique affirmant son iconographie patriotique pour s’en moquer à d’autres moments. En dévoilant plus encore qu’auparavant son je-m’en-foutisme qui en vient à insulter le spectateur, c’est comme si les coulisses de la production se dévoilaient sous nos yeux. Il faut économiser de l’argent en évitant de filmer aux États-Unis ? Faisons dérouler l’action à Hong Kong en le justifiant à peine. Il faut un élément de narration gadget qui claque dans la bande-annonce ? On lâche les Dinobots pour les vingt dernières minutes du film. Il faut des sponsors ? Réalisons alors les placements de produits les plus outranciers de la décennie. Second degré ou désaveu de la part de son auteur ? Difficile à dire, car chez Bay, à l’inverse des histoires qu’il met en boîte, rien n’est manichéen, comme l’atteste la réplique du gérant du cinéma délabré : « Le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus que des remakes et des suites ». La fascination du cinéaste pour ses robots-voitures en vient à se justifier. Plus anthropomorphes que jamais, ils paraissent plus humains que les humains. Et si Michael Bay ne souhaitait pas, finalement, cet âge de l’extinction ?

Le patron du blockbuster est de retour ! Grâce à une narration et une mise en scène plus maîtrisées, Transformers : L’âge de l’Extinction s’impose comme un bon divertissement, si on ne cherche pas évidemment la prise de tête. Néanmoins, rarement le cinéma de Michael Bay n’aura paru si fragile, si incertain. Cynique ou sincère ?

Bande-annonce : Transformers : L’âge de l’extinction

Tu as aimé l'article ? Rejoins-nous sur Facebook et Twitter !

Laissez un commentaire »