Critique : Tom à la ferme (Xavier Dolan)

Antoine 22 avril 2014 0
Critique : Tom à la ferme (Xavier Dolan)

Réalisateur : Xavier Dolan
Acteurs : Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roy, Evelyne Brochu…
Genre : thriller champêtre
Date de sortie française : 16 avril 2014
Nationalité : Canada, France
Durée : 1h42
Classification : Avertissement

Quand Xavier Dolan s’invite à la ferme, c’est pour livrer un thriller archi-maîtrisé et violent.

tom à la ferme afficheA seulement vingt-cinq ans et en seulement quatre films, Xavier Dolan a réussi l’exploit de se forger une incroyable identité de cinéaste avec un talent jalousé. Son succès repose sans aucun doute sur le souffle nouveau qu’il apporte au cinéma, grâce à des œuvres adolescentes mais d’une étonnante maturité. En bref, des récits enragés et engagés où la quête d’identité (sexuelle) des personnages se fait par le prisme des affres de l’amour. Sur ce plan, Tom à la ferme suit les habitudes du réalisateur. En arrivant dans la propriété de la famille de son petit ami décédé, le protagoniste du titre (joué par Dolan lui-même) découvre que la mère n’est pas au courant de l’orientation sexuelle de son fils. Pire, elle a été entretenue dans le mensonge par un autre enfant, Francis, qui va s’avérer être l’élément perturbateur du film. Dès lors, la tension amenée par cet inquiétant personnage va permettre à Dolan de partir vers de nouveaux sentiers.

Adieu veau, vache, cochon, couvée.

La tension est palpable dans cette campagne...

La tension est palpable dans cette campagne…

En effet, Tom à la ferme a l’intelligence de rappeler Psychose en décrivant des êtres simplement en deuil avant qu’ils ne dévoilent leurs obsessions et leurs traumatismes. Hitchcock n’est d’ailleurs pas le seul à citer tant Xavier Dolan a bien révisé le catalogue du thriller psychologique. Il parvient néanmoins à faire dépasser à son film le statut d’exercice de style en apportant sa plus-value. La quête identitaire des protagonistes devient celle, cinématographique, de leur créateur. Ce dernier apporte par petites touches des inspirations pour mieux s’en libérer ensuite, reflet d’une maîtrise du langage du septième art, ici accordée à une lumière diurne envoûtante. L’indécision de Tom et la bipolarité de Francis amènent de nombreuses ruptures de ton, du passage à tabac à une scène de tango. La brutalité de celui-ci, pour dissimuler son refoulement, est alors totalement imprévisible. Rarement l’amour n’a été montré avec une telle violence, une violence invisible dans le cœur de quelqu’un, mais qui laisse des traces à l’extérieur, à l’image de cette pauvre personne que Francis a défiguré. Dolan décrit dès lors un tourbillon d’émotions contradictoires, effrayantes tant il les ancre dans le concept freudien de l’inquiétante étrangeté.

Un amour imaginaire.

tom à la ferme

Je t’aime, moi non plus.

De ce fait, le cinéaste brouille les limites entre ennemis et amants. Tout est une question d’assemblage qui semble ne pas prendre. Tom est au début dérouté par le comportement de Francis, tout en jouissant de leurs jeux sadomasochistes. De même, le milieu rural lui est inhabituel, et Dolan s’amuse alors de rendre ces vastes étendues champêtres en un lieu claustrophobique duquel le personnage est prisonnier. Les cadres aussi, se resserrent sur lui en changeant progressivement de format. Le génie du réalisateur est au final d’installer une ambiance glauque avec du vide, par l’absence. Sans doute l’absence d’un amour sincère, remplacé par un syndrome de Stockholm cachant l’intolérance. Le thriller est avant tout un travail sur l’esprit, et il faut croire que celui de Xavier Dolan est suffisamment tortueux pour pouvoir nous offrir un nouveau chef-d’œuvre.

Tom à la ferme confirme l’incroyable talent de Xavier Dolan en le voyant changer de registre. Si ces thèmes fétiches sont toujours présents, le jeune cinéaste s’approprie avec brio les codes du thriller sans jamais perdre son identité. On peut ainsi peut-être parler de film de la maturité…

Bande-annonce : Tom à la ferme

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