Critique : States of Grace (Destin Cretton)

Antoine 24 avril 2014 0
Critique : States of Grace (Destin Cretton)

Réalisateur : Destin Cretton
Acteurs : Brie Larson, John Gallagher Jr., Kaitlyn Dever, Rami Malek…
Genre : chef-d’œuvre
Date de sortie française : 23 avril 2014
Nationalité : USA
Durée : 1h36
Classification : tout public

Pour son premier long-métrage, Destin Cretton signe une œuvre d’une justesse incroyable. Coup de cœur !

STATES+OF+GRACEAprès avoir travaillé dans un centre pour adolescents en difficulté, le cinéaste Destin Cretton tenait à l’idée de montrer à l’écran la détresse qui émane de ces lieux. Son expérience de documentariste est sans doute l’un des principaux atouts de States of Grace. En effet, son premier long-métrage ruisselle d’une sincérité et d’un réalisme qui n’a d’égal que les larmes du spectateur. Cependant, le réalisateur a la bonne idée de ne pas jouer avec la passivité habituelle reliant le public à une œuvre de cinéma, qui pourrait livrer une victimisation de ses protagonistes que l’on regarde impuissant et, de ce fait, une forme malhonnête de culpabilité. States of Grace est avant tout un film d’espoir, sombre mais paradoxalement ensoleillé, à l’image de cette lumière chaude presque palpable qui tente de s’installer dans le foyer.

Un film gracieux et subtil.

Tout n'est pas toujours facile entre les murs du foyer.

Tout n’est pas toujours facile entre les murs du foyer.

Avec un sujet aussi casse-gueule, tout est une question de justesse de ton. L’équilibre, dont sont en quête les personnages (aussi bien les jeunes que leurs encadrants), est ici merveilleusement trouvé par Cretton qui utilise la mise en scène au service de l’émotion, et non l’inverse. Les plans révèlent une volonté de compréhension de cette jeunesse souvent caricaturée, que ce soit par des jeux habiles de profondeur de champ ou une alternance de plans larges et rapprochés. Sans jamais être intrusif, le réalisateur colle au plus près de ses figures souffrantes, montrant d’abord l’inexpressivité qu’ils laissent paraître avant de s’attarder sur leurs larmes naissantes ou sur leurs ongles plantés dans leur chair. Le but n’est pas de juger, mais de comprendre, comprendre l’expression d’un traumatisme, que ce soit par une crise de nerfs reflétant la haine d’un père pédophile ou un rap racontant une enfance douloureuse. C’est de cette bien belle manière que le cinéaste va se concentrer sur Grace, éducatrice qui dissimule son doute auprès des jeunes du foyer, avant que l’arrivée d’une nouvelle ado, Jayden, ne fasse ressurgir de durs souvenirs à la surface.

Le mur invisible.

Même Grace semble avoir du mal à communiquer.

Même Grace semble avoir du mal à communiquer.

La beauté du message du film est qu’il montre lui-même comment délivrer un message, comment trouver le bon moyen de communiquer. Parfois, l’écoute est suffisante, permettant au réalisateur de faire agir son public au sein même de son long-métrage. Le silence devient dès lors le pire ennemi des protagonistes, et il s’avère nécessaire de combler le vide de leurs plaies géantes, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Destin Cretton semble alors réussir l’exploit de capter l’invisible, et tout particulièrement les frontières que les personnages établissent eux-mêmes (alors qu’il est stipulé que les portes de leur chambre doit rester ouverte). La violence que s’autorise à quelques moments le film n’est plus simplement cathartique, elle permet littéralement de démolir ces cloisons dont ils étaient prisonniers. La lumière peut alors revenir sur ces héros ordinaires, qui, avec le temps, développent le super-pouvoir de comprendre autrui.

Un casting à fleur de peau.

Tout est une question de compréhension.

Tout est une question de compréhension.

De ce fait, States of Grace, par sa sensibilité, se pose la question de l’utilité communicative du cinéma. Sans jamais mettre d’œillères, Cretton parvient à conserver une certaine pudeur qui est accentuée par le jeu magistral de ses acteurs, à commencer par la rayonnante Brie Larson. Les horribles situations qui touchent les personnages sont d’autant plus atroces qu’elles interviennent en pleine période de crise identitaire, qui leur est comme confisquée. Sans pouvoir rendre justice à tout les jeunes ayant connu une expérience similaire à ceux du film, le réalisateur tente de restituer ce qui appartient à chacun d’entre nous, ce qui est logiquement inviolable. L’humanité qui se dégage de States of Grace en fait un magnifique exemple de dénonciation cinématographique, tout en gardant une part d’espoir envers la race créatrice de cet art.

Sensible, touchant, émouvant, States of Grace est un chef-d’œuvre de justesse porté par un casting à fleur de peau. On attend désormais avec impatience la prochaine réalisation de Destin Cretton. Mais pour l’instant, il n’y a qu’une chose à faire : foncer en salle !

Bande-annonce : States of Grace

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