Critique : No Pain No Gain

Antoine 2 septembre 2013 0
Critique : No Pain No Gain

Réalisateur : Michael Bay
Acteurs : Mark Whalberg, Dwayne Johnson, Anthony Mackie, Tony Shalhoub…
Genre : Du Michael Bay 2.0
Date de sortie française : 11 septembre 2013
Durée : 2h09
Classification : interdit aux moins de 12 ans

Après avec fait joujou avec ses robots, Michael Bay revient avec un film tout simplement surprenant. C’est parti pour la gonflette !

No Pain No Gain afficheMichael Bay fait sans aucun doute partie de ces réalisateurs que les cinéphiles adorent détester ! Si l’on a souvent tendance à oublier ses quelques réussites (Bad Boys, The Rock et The Island), c’est surtout avec ses blockbusters dévastateurs et bourrins comme Armaggedon, Pearl Harbor ou encore la saga Transformers que le cher bonhomme s’est taillé sa réputation de ne pas paraître fin et subtil. Il s’agirait même plutôt du contraire… Assisté d’explosions à tout-va, d’un patriotisme aberrant, de personnages caricaturalement héroïques et d’un montage épileptique, Bay a jusqu’alors assumé sa vision du cinéma comme simple divertissement de masse marqué à grands coups de billets verts. Pourtant, entre deux épisodes de la trilogie des robots-voitures, Destruction Man voulait réaliser un caprice : No Pain No Gain. Bay a donc attendu que la Paramount le laisse tranquille avec Transformers, cette dernière ne pouvant pas lui refuser un projet au budget minimaliste de 26 millions de dollars (là où il est habitué à en employer 200) après le succès mondiale de La Face cachée de la Lune. En plus de raconter une histoire vraie étonnante, ce nouveau long-métrage intriguait donc les critiques et autres mauvaises langues, se présentant pour Michael Bay comme un véritable défi, sans prétexte débile à une action gratuite et sans sa surenchère habituelle de cache-misères numériques.

Enlèvement sous stéroïdes

Dans un entrepôt de sex-toys, personne ne t'entendra crier.

Dans un entrepôt de sex-toys, personne ne t’entendra crier.

En effet, No Pain No Gain traite des mésaventures improbables de Daniel Lugo (Mark Whalberg), coach sportif qui va enlever un de ses riches clients, Victor Kershaw (Tony Shalhoub) pour lui extorquer ses biens, avec l’aide de deux amis bodybuilders, Paul Doyle (Dwayne Johnson) et Adrian Doorbal (Anthony Mackie). Si le début du film retrouve l’aspect porte-drapeau des précédents long-métrages de Michael Bay (avec ses idioties pro-étasuniennes et ses musculeux abrutis), Stars and Stripes se retrouve bien vite en berne. Place au flash-back, déroulant sa narration en rappelant par moments un dossier judiciaire, les voix-off des personnages servant d’aveux. C’est alors que le film prend un chemin pour le moins inattendu. Lugo revendique ses actes en expliquant qu’il ne cherchait qu’à goûter au rêve américain, qu’il traduit par richesse exacerbée et belles compagnies féminines (c’est plus classe que de dire « bonnes meufs » !). Il en constate l’injustice, estimant que cette belle vie doit s’accompagner d’une « perfection physique », à l’inverse de ce pauvre Victor Kershaw. Mais comme on peut s’en douter, il va vite perdre le contrôle de la situation. En parvenant à apporter de l’empathie pour son trio de losers, Bay montre comme toujours qu’il croit en l’american way of life, mais parvient cette fois-ci à la critiquer et admet qu’il s’agit d’une utopie.

 

"Tu crois en la puissance du Saint-Esprit, maintenant ?!"

« Tu crois en la puissance du Saint-Esprit, maintenant ?! »

No Pain No Gain devient presque alors une parodie lucide des précédents films du cinéaste. De par ses personnages principaux qui se présentent comme trois des plus grands crétins du cinéma moderne (carrément !), le long-métrage tend vers un second degré à l’humour noir ravageur, pas toujours fin mais rudement efficace (leur arrivée à l’hôpital notamment). Michael Bay semble avoir également compris que la qualité d’un jeu d’acteur est essentielle pour faire passer les émotions. Lui qui était habitué à utiliser des Ben Affleck et autres Shia LaBeouf encore inconnus et les laisser improviser s’accorde cette fois-ci un casting de qualité pour appuyer son propos. Si Mark Whalberg n’a plus besoin de prouver son talent comique après Very Bad Cops et Ted, c’est Dwayne « The Rock » Johnson qui tire son épingle du jeu. Alors que sa montagne de muscles l’a transformé sans autre forme de procès en héros d’actioner qui fronce les sourcils, Bay lui offre son plus beau rôle à travers cet ancien taulard chrétien et innocent mais aussi terriblement violent. Soutenus par l’étoile montante Anthony Mackie, un Tony Shalhoub antipathique au possible, une Rebel Wilson drôle à souhait et un Ed Harris toujours aussi charismatique, leur débilité reflète à merveille les paradoxes des États-Unis. L’imperfection de leur système judiciaire et de certains droits en prend pour son grade, excusée par une Constitution intouchable, tout comme l’éthique. Les pires actes de violence sont justifiés par le pouvoir de Dieu et l’on glorifie le Seigneur tout en faisant l’amour ou en prenant de la coke.

Very Bad Boys

La face cachée du rêve américain se dévoile dans de belles couleurs...

La face cachée du rêve américain se dévoile dans de belles couleurs…

Tout ce venin craché au visage de l’Amérique permet malgré tout à Michael Bay d’y insérer quelques scènes d’action. Mais là encore, comme pour corriger les défauts qu’on lui reprochait jadis, le roi de la destruction massive privilégie un rythme sous tension perpétuel plutôt que de multiples explosions. La seule visible dans le film fait d’ailleurs tressaillir Doyle, nos bodybuilders patriotes apparaissant définitivement pour la parfaite antithèse des héros habituels du réalisateur. La mise en scène de ce dernier s’amuse alors à « sublimer » ces cons qui se croient intelligents. Les ralentis stylisés déforment leurs visages et les plans millimétrés semblent à l’exact opposé de leurs actions improvisées (notamment un magnifique travelling circulaire comme dans Bad Boys II). Les couleurs sont de plus accentuées au milieu des décors luxueux sous le chaud soleil de Miami. Tel Harmony Korine et son Spring Breakers, Bay transforme No Pain No Gain en trip hilarant et pourtant grave, se concluant inévitablement par la descente aux Enfers de nos criminels amateurs. On le félicitera également d’avoir permis à son monteur d’arrêter de prendre du speed, offrant un total hypnotisme pour ce spectacle paradoxalement de plus en plus bête mais qui ne cesse de questionner son spectateur de manière pertinente.

Au final, No Pain No Gain est un film sur les États-Unis mais aussi sur le cinéma de Michael Bay. Là où le cynisme de ses précédents long-métrages se révélait plus discret, piégé par le sceau du blockbuster tout public et bridé par les boîtes de production, il peut enfin s’exprimer ici quant à la vision de son pays. En observant d’un air presque attendri ses crétins en marge de la réalité, le réalisateur dénonce en offrant une certaine gêne un capitalisme carnassier, mais prouve, même si ce n’est que le temps d’un film, que l’on peut s’en défaire. Certes, cela n’enlève rien à la médiocrité de ses dernières réalisations, mais désormais, le simple faiseur a réussi à se (re)faire une renommée en tant que véritable cinéaste. En parvenant à critiquer le rêve américain ainsi que le système hollywoodien, tout en remettant ses détracteurs à leur place, Bay arrive enfin à faire ce qu’il essayait de manière stérile dans ses derniers gros divertissements vrombissants : nous en mettre plein la gueule !

No Pain No Gain est tout simplement le meilleur film de Michael Bay à ce jour. Faussement idiot et diablement efficace, ce nouveau long-métrage emploie une histoire barrée mais vraie pour appuyer sur des points encore sensibles de la politique américaine. On se délecte de suivre les actions de ces trois bodybuilders inconscients de leur bêtise qui prouve que Bay, lui, est conscient de la sienne.

Bande-annonce de No Pain No Gain

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