Réalisateur : Jonathan Liebesman
Acteurs : Megan Fox, Will Arnett, William Fichtner, Alan Ritchson…
Genre : Tortues Ninja 2.0
Date de sortie française : 15 octobre 2014
Nationalité : USA
Durée : 1h42
Classification : tout public
Un reboot cynique et franchement débile des célèbres tortues mutantes des années 80.
Ressusciter sur grand écran un concept aussi délirant que celui des « Teenage Mutant Ninja Turtles » à l’heure des blockbusters sombres et réalistes made in Nolan, il fallait oser ! Avec Michael Bay à la production, et le tâcheron Jonathan Liebesman à la réalisation (World Invasion : Battle Los Angeles, La Colère des Titans), on pouvait craindre le pire. Alors soyons honnêtes, Ninja Turtles est loin d’être un grand film. Il est même assez mauvais, avec son histoire en toc et son humour bas du front. Cependant, le fun primaire qui s’en dégage le rend par moments regardable. Mais surtout, il permet à Michael Bay de pousser sa réflexion (d’auteur, oui, je l’affirme !) sur l’imagination actuelle d’Hollywood, qui se contente de reprendre de vieux univers et de les réactualiser (à la truelle s’il le faut). Le problème, c’est que Ninja Turtles souffre un peu trop de cette forme de production faite avec dédain pour pouvoir se moquer du public dans son dos, alors qu’il semble également sincère dans sa démarche de divertissement du samedi soir. D’un autre côté, c’est cette ambivalence qui le rend presque plaisant. Presque.
Le cynisme sous la carapace.
A travers sa façon d’assumer le postulat absurde de son concept (et même de le rappeler à longueur de film par quelques répliques sarcastiques), les scénaristes ont décidé d’user du même cynisme que sur la saga Transformers, à savoir décrire des corps numériques voltigeant dans tous les sens prostitués sur le trottoir du merchandising. Enlevez les débuts de leurs aventures, qui parodiaient volontairement les comics-books, mais c’est ce qu’ont toujours été les Tortues Ninja. Cette désillusion face à la manière dont Hollywood fabrique « ses rêves » reflète l’époque d’un blockbuster peu sûr de lui et conscient de ses limites. C’est certainement pour cela que le film déplaît autant à la presse, dont une grande partie des rédacteurs a grandi avec le dessin animé des années 80. Ninja Turtles est un produit de son temps, une vieille licence réappropriée par un producteur qui, quoi que l’on en dise, a compris mieux que personne les rouages d’une industrie qui l’a tellement exaspérée qu’il la dénonce et la détruit aujourd’hui de l’intérieur. Bien que moins appuyé par rapport au récent Transformers : L’Âge de l’extinction, la moquerie des productions Bay envers leur univers se ressent à juste titre dans le long-métrage, qui assume certains de ses aspects nanardesques.
Cowabunga !
Malheureusement, ce jusqu’au-boutisme de l’absurdité devient bien vite la principale limite de Ninja Turtles. On ressent comme un malentendu entre le cynisme de Michael Bay et le ton beaucoup plus premier degré de la réalisation de Liebesman. Du coup, la (très) longue origin story des tortues, qui aurait pu donner une jolie réflexion sur la création de héros (cf. Transformers 4, encore une fois) devient juste risible dans sa manière de péniblement créer un lien avec le passé de la journaliste April O’Neil (Megan Fox, toujours aussi belle mais toujours aussi conne). En fait, la parodie sombre vite dans la caricature, surtout à partir du moment où le scénario avance en pilote automatique avec un sérieux gênant. Le fait de cantonner les personnages à des corps sans âme pourrait être un parti-pris dans la démarche de dénonciation du système hollywoodien qu’approche le film, mais il ne s’agit en réalité que d’une conséquence de son écriture speedée, qui tente d’esquisser assez lamentablement ses protagonistes sans jamais vraiment y arriver. Du coup, l’émotion n’est jamais palpable, et le long-métrage finit par se complaire dans sa multitude de scènes d’action, certes divertissantes et plutôt bien réalisées, mais s’enchaînant sans vie en s’inspirant (mal) de la construction de niveaux de jeux vidéo (la descente interminable d’une montagne avec plusieurs vagues d’ennemis, le combat de boss en haut d’une tour, etc.).
Jeux d’enfants.
Le public plus âgé pestera donc contre cette réécriture de leurs héros d’antan (il faudrait peut-être leur rappeler la définition de « reboot »), sans forcément constater que le film cherche avant tout à s’adresser à un public plus jeune. Si Ninja Turtles se retrouve ainsi délivré d’un fan-service trop appuyé, c’est sa cible qui le rend malhonnête. Il est désolant de constater qu’Hollywood est encore capable de croire que des enfants puissent apprécier un scénario mal torché s’il est sauvé par quelques passages de montagnes russes. Pourquoi n’auraient-ils pas droit eux aussi à des productions de qualité, sous prétexte qu’ils seraient plus manipulables et moins regardants ?! Pire encore, le long-métrage revient à la vision infantile que l’on a longtemps eu du cinéma numérique, rattrapant son vide scénaristique abyssale par quelques séquences en images de synthèse et en performance capture ultra-chorégraphiées et classieuses (reconnaissons-le tout de même). A l’instar de l’exécrable The Amazing Spider-Man 2, Ninja Turtles reflète la régression qualitative et intellectuelle des blockbusters destinés aux pré-ados, qui ont le malheur d’accorder la froideur de l’imagerie numérique à un manque de vie des personnages, alors que des films comme Gravity ont prouvé qu’il était possible d’éviter cet écueil. En pensant entrer dans le moule des productions hollywoodiennes actuelles, il devient la caricature du blockbuster moderne qu’il voudrait dénoncer.
Trop ambivalent pour que l’on sache véritablement par quel angle le prendre, Ninja Turtles tente de rattraper, un peu en vain, le manque d’épaisseur de ses personnages et de son univers par des scènes d’action plutôt réussies et un cynisme qui peut faire mouche. Le moment n’est donc pas si désagréable, mais il demeure franchement oubliable.
Bande-annonce : Ninja Turtles
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