Critique : Need for Speed (avec Aaron Paul)

Antoine 20 avril 2014 0
Critique : Need for Speed (avec Aaron Paul)

Réalisateur : Scott Waugh
Acteurs : Aaron Paul, Dominic Cooper, Imogen Poots, Michael Keaton…
Genre : Des courses, des courses, encore des courses !
Date de sortie française : 16 avril 2014
Nationalité : USA
Durée : 2h11
Classification : tout public

La célèbre licence d’Electronic Arts s’exporte sur grand écran, avec la star de Breaking Bad en soutien. Néanmoins, le moteur ne tourne-t-il pas à vide ?

Need-For-Speed-Affiche-FranceComment faire ressentir la sensation d’un jeu vidéo sans interaction ? Telle est la question difficile à laquelle tentent bien souvent de répondre les responsables d’adaptations vidéoludiques au cinéma. Malheureusement, jusqu’alors, peu ont réussi à trouver une réponse satisfaisante, ne se contentant que de rester stérilement fidèle à un matériau venu d’un autre médium, au mieux pour un rendu plutôt fade, au pire pour un véritable viol de licence. Qu’on se le dise immédiatement, Need for Speed ne déroge pas à la règle, mais a au moins le mérite de faire partie de la première catégorie. Pourtant, il émane de cet énième film de bagnoles un souffle nouveau, presque inespéré : une véritable réflexion de mise en scène. Entre les vues subjectives, les travellings vrombissants, les prises de vues au ras des carrosseries et le montage savamment maîtrisé, Scott Waugh parvient à créer au fil de ses courses une tension palpable couplée d’une puissante sensation de vitesse, que l’on ne s’apprêtait pas à connaître sans une manette en main. Il y a presque un contraste intéressant à rester immobile dans son siège, alors que le bitume passe avec une vivacité folle sous les roues des compétiteurs, d’autant plus que le réalisateur (anciennement cascadeur), a insisté pour que la majorité des figures soient réelles, ce qui n’est pas pour déplaire à nos rétines.

Un cercle vicieux qui roule, roule, roule…

Il faut avouer que les courses sont impressionnantes.

Il faut avouer que les courses sont impressionnantes.

Need for Speed est alors d’autant plus décevant qu’il parvient à éviter l’écueil le plus compliqué de ce genre de productions, pour tomber dans le panneau le plus facilement contournable ; à savoir, penser caresser le public gamer dans le sens du poil avec un système de progression similaire aux volets les plus scénarisés de la saga (The Run notamment). Cela donne ainsi une suite de courses, entrecoupées de dialogues consternants qui assument presque leur rôle de cinématique introductive.  Dans un titre vidéoludique, il est normal d’installer une certaine routine, pour que le joueur puisse s’approprier le gameplay et être en phase avec l’œuvre qu’il a sous les yeux. Le problème, c’est que les producteurs de cinéma n’ont toujours pas compris qu’un spectateur n’intervient pas dans un film, et que copier l’écriture classique d’un jeu de courses ne fait qu’amener une répétitivité à un récit déjà bien trop long. De ce fait, même la réalisation irréprochable de Scott Waugh n’arrive plus à rattraper un ennui qui se fait de plus en plus présent. Les nombreuses poursuites finissent par se ressembler, mettant en opposition ce trop plein avec un vide : celui que devraient combler les personnages.

Fat and Furious.

Derrière la vengeance virile se cache un complexe compensé par les bolides...

Derrière la vengeance virile se cache un complexe compensé par les bolides…

En effet, avec ce point de vue trop orienté vers l’abstraction du héros au profit d’un avatar incarné par le joueur, Need for Speed manque cruellement de forts protagonistes. En plus d’être pour la plupart sous-développés, ces vagues stéréotypes lorgnent assez misérablement vers le principal rival du film : Fast and Furious. Au milieu de cette indigeste avalanche de clichés, seul Aaron Paul s’en sort, grâce à sa hargne habituelle, tandis que Michael Keaton, marrant mais en totale roue libre, prouve à quel point il est le sosie de Julien Lepers. Ces figures sans vie sont finalement le reflet du cinéaste, qui semble ne pas assumer le classicisme de son scénario, c’est-à-dire une banale histoire de vengeance et de preuve d’innocence. Il y avait pourtant matière à un road-movie quelque peu critique sur le rêve américain (Tobey va vers la Californie, donc l’Ouest, pour participer à une célèbre course clandestine), ou encore mieux, au vu de son immersion, à une réflexion sur le lien entre l’homme et sa voiture. Si le jeu vidéo est souvent référencé à la notion de catharsis, il aurait été intéressant d’avoir une interprétation de ce qui justifierait le « besoin » de vitesse du titre, aussi bien pour les protagonistes que pour les spectateurs/joueurs. Sans être catastrophique, Need for Speed prouve que pour réussir une adaptation vidéoludique, il faudrait tout simplement confier ce type de projets à un auteur avec un vrai point de vue, et pas juste à un habile artisan trop bas du front (comme l’atteste ce plan dégueulasse où il introduit de manière peu subtile la jaquette de son premier film). Le long-métrage aurait dû faire l’inverse du jeu : éviter les raccourcis, quitte à prendre les voies les plus sinueuses pour créer de véritables enjeux.

Que ce soit par ses qualités comme par ses défauts, Need for Speed pose les bonnes questions quant aux adaptations de jeux vidéo au cinéma. Si ce cas d’école a, de ce fait, des chances de faire parler de lui dans le futur, il n’en demeure pas moins un plaisir coupable. Néanmoins, le film a beau être techniquement irréprochable, il n’évite pas un traitement lourdaud d’une intrigue sans originalité. En bref, une ambition qui démarre sur les chapeaux de roue, pour finir en tête à queue.

Bande-annonce : Need for Speed

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