Critique : Ma vie avec Liberace

Antoine 22 septembre 2013 0
Critique : Ma vie avec Liberace

Réalisateur : Steven Soderbergh
Acteurs : Michael Douglas, Matt Damon, Dan Aykroyd, Scott Bakula…
Genre : Derrière les coulisses…
Datede sortie française : 18 septembre 2013
Durée : 1h59
Classification : tout public

Pour son dernier film, Steven Soderbergh livre une histoire d’amour poignante sur fond de show-biz. C’est parti pour le spectacle !

Ma-vie-avec-Liberace-affiche-definitiveSteven Soderbergh est sans nul doute l’un des plus grands cinéastes contemporains sur la manière de traiter le regard. De l’enthousiasme bourré de classe de la saga Ocean’s au voyeurisme hitchcockien d’Effets secondaires en passant par la froideur de la catastrophe de Contagion, cette justesse de ton lui a permis de s’approprier n’importe quel sujet, résultant une carrière incroyablement éclectique. Annoncé comme son dernier film, Ma vie avec Liberace révèle avant tout le ras-le-bol de Soderbergh face au système hollywoodien. Refusé par de nombreux studios, le projet a finalement été produit par la chaîne américaine HBO, permettant en fin de compte à ce téléfilm d’être diffuser dans les salles obscures après son passage réussi au festival de Cannes. Certes, face aux diverses lois et débats qui touchent l’homosexualité, il peut paraître délicat de traiter correctement le sujet sans se voir coller l’étiquette d’homophobe, ou à l’inverse, d’anti-conservateur (l’exemple de la polémique absurde autour de la Palme d’or de La Vie d’Adèle en est un bon exemple). Mais justement, ici, c’est Steven Soderbergh qui est aux manettes…

Regardez-moi !

We're up all night to get lucky !

We’re up all night to get lucky !

Ma vie avec Liberace se base sur les mémoires de Scott Thorson, dont il décrit les quelques années durant lesquelles il a vécu avec le célèbre pianiste Liberace. Drapé de sa traîne en renard blanc et de divers costumes décorés jusqu’à la gerbe de strass et paillettes, la légende qui arrivait sur scène en limousine permet à Soderbergh de traiter du show-business. Alors qu’il présente Scott comme un simple dresseur de chiens pour le cinéma, ce dernier se retrouve bien vite catapulté dans un monde qui le dépasse. Le réalisateur pourrait se concentrer sur le style « kitsch palatial » de la villa de Liberace, mais y préfère l’analyse du regard de ses personnages. Cette apologie du bling-bling n’est qu’un jeu, un décor comme un autre dans lequel le couple se meut. En se voyant vieux à un show télé, le musicien montre sa réelle facette de Peter Pan qui ne veut pas grandir. La chirurgie esthétique le protège des médias, qu’il sait manipuler, contrairement à Scott dont la volonté d’apparence parfaite le mène à la dépendance.

Pendant les années 80, il y avait les Village People...

Pendant les années 80, il y avait les Village People…

Ressort alors l’aspect paradoxale de la célébrité. Liberace contraste son look exubérant et volontairement tape-à-l’œil avec le respect de sa vie privée. Lors du premier show à Las Vegas auquel il assiste, Scott s’exclame : « C’est drôle qu’un tel public aime un truc aussi gay ». Son ami lui répond alors : « Ils ne savent pas qu’il est gay ». Ce déni de son orientation sexuelle pousse Liberace à montrer son côté manipulateur mais aussi égoïste envers son compagnon, allant jusqu’à s’imaginer de fausses fiançailles avec une actrice pour faire semblant. Malgré les dates des années 70 et 80 défilant, le regard de ces hommes hors de la réalité introduit Ma vie avec Liberace dans une universalité et une actualité troublante. La sobriété de la mise en scène de Soderbergh, accompagnée de ses habituels jeux de lumière saisissants ne fait alors que décrire sans jamais juger les tourments et les passions des deux amants, souvent par des plans séquences conférant à la sincérité du cinéaste. Car en oubliant les chichis et le sexe de ses protagonistes, Ma vie avec Liberace est avant tout une brûlante histoire d’amour !

Autant en emporte le vent de la musique

Un conte de fées moderne qui tourne mal.

Un conte de fées moderne qui tourne mal.

Le vernis se craquelle alors, laissant les sentiments des personnages prendre le dessus. Les bibelots se brisent et les rides atteignent les visages, mais les notes virevoltantes et passionnées sortant du piano de Liberace s’immiscent entre les scènes pour symboliser l’intemporalité du récit. Mais pour toucher aussi juste et aussi finement, Soderbergh sait qu’il lui fallait un casting d’exception. A l’instar de Jake Gyllenhaal et Heath Ledger dans Le secret de Brockback Mountain, Michael Douglas et Matt Damon forment un couple magnifique et émouvant, inspirant immédiatement l’empathie. Avec ce duo parfaitement en phase, Steven Soderbergh signe avec Ma vie avec Liberace un sublime chant du cygne. On ne peut pas s’empêcher de voir à travers la figure du pianiste une mise en abyme du réalisateur. Jouant sur le regard jusqu’à la dernière minute, il montre celui de Scott à l’enterrement de Liberace, l’église se transformant en scène de Las Vegas pour voir le musicien adresser une dernière chanson d’amour à son amant. Nous, spectateurs, rêvons alors de ne dire qu’une seule chose : « On t’aime aussi Steven ! »

Avec sa subtilité habituelle, Steven Soderbergh transcende son sujet pour ne pas faire de Ma vie avec Liberace un simple film sur l’homosexualité. Si le sous-texte sur la célébrité fonctionne à merveille, c’est principalement avec sa romance simple mais belle que le cinéaste nous dit adieu, sublimé par son duo d’acteurs incroyable.

Bande-annonce de Ma vie avec Liberace

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