Critique : Les Gardiens de la Galaxie (James Gunn)

Antoine 16 août 2014 1
Critique : Les Gardiens de la Galaxie (James Gunn)

Réalisateur : James Gunn
Acteurs : Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista, Bradley Cooper, Vin Diesel…
Genre : Space opera nostalgique
Date de sortie française : 13 août 2014
Nationalité : USA, GB
Durée : 2h01
Classification : tout public

Une bande de contrebandiers part sauver la galaxie, tandis que Marvel Studios livre l’un de ses meilleurs films.

les-Gardiens-de-la-Galaxie-afficheQu’on les apprécie ou non, il faut reconnaître que les films du Marvel Cinematic Universe reposent sur une structure narrative assez classique, que l’on peut d’ailleurs attribuer à la majorité des blockbusters depuis une bonne décennie. Mais comme vous le savez peut-être, votre cher serviteur a déjà exprimé son amour envers cet ensemble cinématographique bien plus novateur qu’il n’en a l’air (par ici), où les personnages importent finalement plus que l’intrigue, et dont les plus belles réussites sont dues à une patte stylistique visible et parfaitement appropriée au héros traité. Pour faire court, Les Gardiens de la Galaxie, ce sont toutes ses qualités de l’écriture marvelienne exacerbées dans un univers de science-fiction encore jamais exploré par le studio (le comics dont il est tiré est peu connu). Dès les premières minutes, le trublion James Gunn surprend par son aisance à faire développer ses protagonistes. Il lui suffit d’une courte intro franchement émouvante pour montrer les derniers souvenirs sur Terre de Peter Quill, avant que celui-ci ne soit subitement enlevé par des extraterrestres. Une ellipse de vingt-six ans nous le présente ensuite en voleur de trésors à la recherche d’un mystérieux orbe (le MacGuffin du film), relique dont le pouvoir pourrait causer de sacrés dégâts entre de mauvaises mains.

« What a bunch of A-holes. »

Comment ça, vous ne connaissez pas Star-Lord ?

Comment ça, vous ne connaissez pas Star-Lord ?

Simple, limpide, efficace, le prétexte des Gardiens de la Galaxie est amplement suffisant pour introduire à l’équipe ses autres membres, que Peter (l’excellent Chris Pratt), alias Star-Lord, va rencontrer. De la tueuse expérimentée Gamora (Zoe Saldana) au psychopathe susceptible et vengeur Drax (Dave Bautista) en passant par les chasseurs de primes Rocket Raccoon (un raton-laveur parlant et caractériel) et Groot (un arbre humanoïde simplet et touchant), chacun trouve son moment de gloire et prend le temps d’exprimer ses motivations. L’attachement est d’autant plus facile que l’humour de Gunn (également co-scénariste), principalement basé sur la parodie des codes du cinéma hollywoodien actuel, fait mouche à tous les coups. Le film s’inscrit alors parfaitement dans les enjeux de la phase II du MCU, en remettant en question les limites de l’univers Marvel, ici sur le plan de l’écriture. Qu’importe alors que le méchant paraisse générique et qu’il faille éviter la destruction d’une métropole comme dans la majorité des productions à 200 patates. James Gunn rit même de ces clichés narratifs avec une irrévérence qui, fort heureusement, n’est pas cynique.

Organique ou numérique ?

Vous les trouvez toujours aussi mignons ?

Vous les trouvez toujours aussi mignons ?

Ainsi, le cinéaste parvient à faire baigner son long-métrage dans une légèreté (rafraîchissante à l’heure où l’adjectif dark et ses dérivés sont devenus les maîtres-mots des producteurs) qui, néanmoins, aurait pu s’avérer handicapante. Au contraire, les situations et autres dialogues hilarants aident les héros à véritablement exister à l’écran. Plus que jamais, Marvel Studios prône le retour du scénario de blockbuster sous forme de character-driven (les personnages et leur évolution dirigent l’écriture), tout en s’assurant à travers Gunn une ingéniosité qui permet d’éviter certains pièges, notamment celui de cantonner Rocket et Groot à un statut de mascotte. Car malgré ses liens perpétuels aux Avengers et autres consorts tout droits sortis des pages de comics, Les Gardiens de la Galaxie se distingue bien vite des autres films de super-héros. Ici, seuls la technologie et son maniement augmentent les capacités physiques du groupe, permettant, comme l’avait déjà fait Shane Black avec Iron Man 3, un recentrage perpétuel sur l’humain. A toujours vouloir s’affranchir des règles, Gunn parvient même à remettre en question la suprématie froide des effets numériques. A l’image du masque à oxygène de Star-Lord, qui peut se matérialiser et se dématérialiser à l’envie, la façade inhumaine importe peu. Ce qui fait opérer la magie devant Rocket et Groot par exemple, c’est bien le travail de doublage et de performance capture de Bradley Cooper et Vin Diesel. Sérieusement, quel autre film à grand budget a aussi bien compris la manière de donner corps à des figures héroïques depuis les Dark Knight de Christopher Nolan ?

« C’est quoi un raton-laveur ? »

Visuellement, ça claque !

Visuellement, ça claque !

Ce mélange pragmatique entre l’organique et le numérique, dont les derniers bastions étaient plutôt à chercher du côté de Peter Jackson et Guillermo Del Toro, offre d’ailleurs la possibilité aux Gardiens de la Galaxie de déployer un univers de space opera varié et coloré. Les designs sont grandioses, les décors recherchés et les espèces font preuve d’une incroyable diversité. Rarement un film grand public récent n’a rendu le spectateur aussi curieux du monde qu’il découvre. Mieux encore, cette richesse confère à la justesse des thèmes pourtant vus et revus autour de la famille et de la rédemption des voyous. Bien entendu, chacun possède ses propres armes et ses coups dans la bataille. Le génie de James Gunn vient de sa façon d’accentuer les relations affectives du groupe au cœur de ses scènes d’action. Il complexifie sa mise en scène au fur et à mesure afin de montrer la coordination progressive des personnages qui apprennent à s’unir. Les nombreux montages alternés, qui font souvent se rejoindre les personnages en un même lieu, sont de beaux exemples de la direction exemplaire de la temporalité, qui aide grandement le long-métrage à remplir son rôle de grand huit de l’été.

Le Star Wars des années 2010 ?

Il y a un vrai cœur derrière le blockbuster.

Il y a un vrai cœur derrière le blockbuster.

Le scénario repose ainsi sur un rythme tenu tout du long, dont le tempo s’accorde à la BO eighties sublimement insérée dans le récit. D’ailleurs, la musique devient presque le meilleur super-pouvoir du film, ressortant par le vieux walkman de Peter Quill que sa mère lui a offert peu de temps avant de mourir. Le roller coaster émotionnel que Gunn réussit à mettre en place en vient à ce que la nostalgie traverse le quatrième mur. En bougeant la tête sur Hooked on a Feeling de Blue Swede ou sur I’m Not in Love de 10cc, c’est tout un pan constamment suggéré de la pop culture des années 80 qui nous revient en tête, comme pour le personnage principal. Ce mélange étrange et pourtant si cohérent avec une science-fiction rétro-futuriste offre des flash-backs quasi-synesthésiques à une époque où le blockbuster se résumait à Indiana Jones et Star Wars. James Gunn transcende cet hommage à une douce époque d’un cinéma de divertissement décomplexé par une sincérité qui ne cache pourtant pas une ambition folle de concurrencer ces modèles, tout en s’accordant aux codes actuels qu’imposent les studios Marvel. Qu’on se le dise, le bonhomme y parvient grâce à ses personnages que l’on peut d’ors et déjà qualifier de plus attachants du moment, et par un univers enchanteur qui ne demande qu’à être exploré plus en profondeur, comme George Lucas savait si bien le faire. Les Gardiens de la Galaxie n’est non moins qu’un rappel d’un septième art qui peut amuser intelligemment, une madeleine de Proust des plus beaux souvenirs des adultes, et une nouvelle référence pour les enfants.

Drôle, beau, inspiré et profondément attachant, Les Gardiens de la Galaxie confirme définitivement la suprématie de Marvel Studios sur l’industrie hollywoodienne, tout en sortant d’une certaine zone de confort grâce au talent de James Gunn. L’un des meilleurs blockbusters de l’année, que l’on peut déjà considérer comme culte.

Bande-annonce : Les Gardiens de la Galaxie

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Un Commentaire »

  1. Julien
    Julien 17 août 2014 at 18 h 44 min - Reply

    Ce coup-ci, je suis 100% d’accord avec toi :). Belle critique encore une fois au passage !

    Pourtant je ne suis pas particulièrement fan des Marvel et la bande-annonce ne m’avait pas emballé.

    J’ai été agréablement surpris par le film qui se démarque des autres Marvel. C’est drôle sans jamais être lourd, et ce côté décalé est totalement assumé (ce qui, je trouve, n’était pas le cas dans les autres Marvel où on oscillait sans arrêt entre du sérieux qui se voulait très sombre et des touches d’humour lourdes et mal amenées). Les personnages sont développés et extrêmement attachants (Rocket et Groot en premier !).
    Cependant et une fois encore, le scénario n’est pas très fouillé et on a un méchant sans grand intérêt.
    Mais quelle énergie débordante qui transpire dans tous les plans du films à travers une BO fabuleuse et des effets spéciaux géniaux.

    Le Star Wars des années 2010 ? J’ai envie de dire OUIIIIII !

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