Critique : Inside Llewyn Davis

Antoine 9 novembre 2013 0
Critique : Inside Llewyn Davis

Réalisateur : Joel et Ethan Coen
Acteurs : Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake, John Goodman…
Genre : Hang Him, Oh Hang Him !
Date de sortie française : 6 novembre 2013
Nationalité : USA
Durée : 1h45
Classification : tout public

Un chanteur, une guitare et un chat : voilà la nouveau triomphe des frères Coen.

Inside-Llewyn-Davis afficheUn gros plan sur un micro, puis un visage barbu qui se met à chanter, et voici une version poignante de Hang Me, Oh Hang Me de Dave Van Ronk, chanteur folk des années 60 et principale inspiration pour le nouveau personnage des frères Coen : Llewyn Davis. Il traîne de bar en bar, crèche chez ses collègues musiciens et demande à longueur de temps argent et cigarettes. Si la musique est un art inhérent à l’univers des cinéastes, celui de la lose en est un autre. Grâce aux fabuleux cadrages accompagnant les reprises de Oscar Isaac (qui confirme ici définitivement son talent), on comprend que Davis est un grand artiste. Malheureusement, ses disques invendus s’empilent et les producteurs n’hésitent pas à le recaler en justifiant que le grand public n’aimera pas ce qu’il fait. Moins grinçants qu’à l’accoutumé, Joel et Ethan Coen passionnent ainsi par leur réflexion sur le revenu (qu’on peut d’ailleurs leur attribuer). Se définissant comme un leitmotiv mais aussi comme le but du personnage, la capitalisation de l’art en devient injuste mais nécessaire.

Give Life Back To Music

"Je te pique la vedette !"

« Je te pique la vedette ! »

Rarement les réalisateurs n’étaient paru si pragmatiques, surtout avec un protagoniste principal aussi rêveur. Si la malchance guette perpétuellement Llewyn Davis, il faut avouer que ce dernier aime également la provoquer. Accumulant mauvais choix sur mauvais choix, le bonhomme aspire la sympathie pour le spectateur autant qu’il peut énerver ses proches. Humainement, malgré son intégrité, c’est un abruti. La femme de son meilleur ami lui reproche de l’avoir engrosser (Carey Culligan prouve après Gatsby Le Magnifique qu’elle sait exaspérer), sa sœur et son père le méprisent et il trouve le moyen de se disputer avec ses amis friqués, dont il a par ailleurs perdu le chat. Ce running-gag absolument maîtrisé (en ajoutant à cela que l’animal possède un fort potentiel d’attendrissement) dépasse justement le simple statut de mascotte pour se changer en reflet du film, alternant drame et comédie noire.

Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage…

Justin Timberlake qui incarne un chanteur carriériste... Autodérision ?

Justin Timberlake qui incarne un chanteur carriériste… Autodérision ?

Inside Llewyn Davis devient alors un long-métrage plus sincère et moins cynique. La narration parfaitement maniée par le duo de cinéastes surprend comme elle s’inspire de conventions universels. Après O’Brother, la mythologie s’immisce encore une fois dans l’œuvre des frères Coen, qui font appeler leur chat Ulysse, l’occasion pour leur chanteur de vivre son odyssée dans le monde de la musique, rencontrant des artistes (un peu) connus ou complètement ratés. Ces figures fantasques et grotesques (mention spéciale à John Goodman) rappellent cyclopes et autres harpies, ayant mutés par leur amour de la musique qui ne le leur rend pas forcément si bien. La folk, genre mélancolique et nostalgique par excellence se transforme ainsi en anachronisme, devenant la plainte du héros antique ne souhaitant qu’une seule chose : rentrer à Itaque. L’échec de Llewyn Davis réside dans cette incapacité à aller de l’avant, à oublier son ami avec qui il formait un groupe, ce dernier s’étant suicidé.

Souvenirs, souvenirs…

"Je chante, je chante soir et matin..."

« Je chante, je chante soir et matin… »

Cette justesse couplée à la qualité de la reconstitution et à la lumière de Bruno Delbonnel terminent de nous prendre aux tripes. Comme le veut le titre de son album, nous sommes « inside » Llewyn Davis, mais pas seulement à travers sa musique. L’amour de Joel et Ethan Coen fait d’autant plus ressortir une certaine peine dans les dernières minutes. Les panoramiques et les travellings, souvent au plus près du personnage confirment la sensation de mouvement du film. A force d’hésiter, d’enchaîner les allers-retours, le musicien sait qu’il a raté le coche pouvant l’amener vers la gloire. Immobile, il tend un « Au revoir ! » naturellement adressé au spectateur. Qu’il s’agisse des espions de Burn After Reading où du shérif Cogburn dans True Grit, les personnages des frères Coen finissent souvent comme des laissés pour compte sur le trottoir du monde qui avance et ne s’arrête jamais. Llewyn Davis en est certainement leur plus bel exemple, symbolisant une synthèse équilibrée de leur cinéma. Néanmoins, grâce à cette nouvelle réussite, il peut se rassurer en sachant que nous, public, ne l’oublieront pas.

Touchant, drôle et dramatique à la fois, Inside Llewyn Davis est un film hybride, donnant étrangement la patate tout en déprimant le spectateur. Joel et Ethan Coen dosent de manière virtuose leurs émotions au sein d’un scénario magnifique et musical, supporté par l’incroyable Oscar Isaac (et le chat !).

Bande-annonce de Inside Llewyn Davis

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