Critique : Insaisissables

Antoine 12 août 2013 3
Critique : Insaisissables

Réalisateur : Louis Leterrier
Acteurs : Jesse Eisenberg, Mark Ruffalo, Woody Harrelson, Isla Fisher, Mélanie Laurent, Morgan Freeman, Michael Caine…
Genre : L’illusion du talent
Date de sortie française : 31 juillet 2013
Durée : 1h56
Classification : tout public

De bonnes idées, un excellent casting et une intrigue intéressante. Et au milieu de tout ça ? Louis Leterrier, qui ne sait pas quoi en faire !

Insaisissables-affiche

Quatre prestidigitateurs surnommés les Quatre Cavaliers organisent d’incroyables spectacles pendant lesquels ils cambriolent des banques à distance, tout en échappant au FBI, soutenu par Interpol. Un scénario plutôt malin et original que l’on voyait mal entre les mains d’un yes-man comme Louis Leterrier. En effet, alors que le réalisateur français a réussi à se faire une réputation outre-Atlantique avec des blockbusters tout à fait haïssables (L’incroyable Hulk, Le Choc des Titans, etc.), il a choisi cette fois-ci un budget un peu plus modeste (75 millions de dollars) au service d’une intrigue moins décérébré qu’auparavant… Mais comme il est dit dans le film : tout n’est qu’affaire d’illusion.

Est-ce que vous regardez attentivement ?

Ça partait pourtant plutôt bien : une exposition efficace, des personnages intrigants et attachants, une mise en scène rythmée et quelques touches d’humour. S’ensuit alors un panneau animé faisant apparaître le titre (Now you see me en VO est d’ailleurs bien meilleur), symbolisant également le passage du film vers son vrai visage. On y a cru un instant, mais les talents de Leterrier en terme de magie relèvent encore une fois plus de l’escroquerie que de la simple manipulation contribuant au rêve. Si le premier spectacle du quatuor se déroule à Las Vegas, ce n’est certainement pas un hasard. Usant de mout artifices pour impressionner et détourner l’attention du spectateur, les prestidigitateurs se révèlent égaux à leur cinéaste. Les CGI et autres effets tape-à-l’œil s’enchaînent sans originalité. Sa caméra devient incapable de rester immobile, abusant de gros travellings et panoramiques. Alors que le don des personnages nécessite patience et précision, ces derniers ne semblent devenir sous l’œil de Leterrier que de communs cambrioleurs soutenus par un plan imparable.

Je suis plus le créateur de Facebook, mais je sais manipuler les cartes !

Je ne suis plus le créateur de Facebook, mais je sais manipuler les cartes !

Il est clair que le scénario d’Insaisissables s’inspire de figures cultes traitant des mêmes thèmes : Ocean’s eleven pour l’aspect cambriolage et fortes personnalités, et bien sûr Le Prestige pour l’intrigue basée sur la prestidigitation. Le problème, c’est que Louis Leterrier n’a ni la complexité réjouissante et la cool attitude de Steven Soderbergh ni le génie de Christopher Nolan. Là où Le Prestige se construisait intelligemment comme un tour de magie (ne révélant ses ressorts qu’à la fin), le réalisateur du Transporteur semble ne pas assumer les numéros sensationnels des Quatre Cavaliers, enchaînant perpétuellement sur des phases de dialogue explicatif gonflantes. En plus de briser la magie, le cinéaste en profite pour poser au fur et à mesure ses twists quelque fois réjouissants (le dernier casse) mais souvent grossiers et irréalistes (le coup de l’accident de voiture notamment). Mais cette vision de la prestidigitation est finalement assez révélatrice. Christopher Nolan voyait clairement le spectacle de magie comme l’ancêtre du cinéma, usant de nouvelles technologies et manipulant le spectateur pour le conduire vers un réalisme inexistant. Chez Louis Leterrier, il n’est vu que comme un divertissement quasi-vulgaire ne servant qu’à rapporter de l’argent. Et au vu des divers navets du réalisateur, on serait facilement tenter de dire qu’il s’agit également de la vision qu’il porte sur le septième art.

Un casting insaisissable.

S’il faut cependant accorder une qualité à Louis Leterrier, ce sera quant à sa direction d’acteurs (faisant ainsi son seul point commun avec les deux cinéastes précédemment cités). Comme dans le film, chacun joue de ses qualités pour livrer un ensemble efficace, sauvant assez souvent certains dialogues faibles. Jesse Eisenberg réjouit quand il joue de son arrogance stylée. On se délecte de suivre Mark Ruffalo désespéré face à ces magiciens trop forts pour lui. Woody Harrelson rappelle Simon Baker en mentaliste, la tête d’ange en moins. Isla Fisher est une boule d’énergie radieuse. Mélanie Laurent se mêle parfaitement à ce casting majoritairement américain (et convainc dans sa romance avec Mark Rufflalo pourtant si mal écrite). Morgan Freeman fait du Morgan Freeman. Michael Caine fait du Michael Caine (attention ce ne sont pas des défauts !). Et au milieu de tout ça, Dave Franco joue un peu la cinquième roue du carrosse sans totalement déplaire.

On se la joue façon The Dark Knight, c'est ça?

On se la joue façon The Dark Knight, c’est ça?

Grâce à ce casting en or et au rythme assez soutenu du réalisateur, Insaisissables se laisse malgré tout regarder. Le semi-échec artistique est d’autant plus décevant que certaines scènes viennent par moments relever le niveau avant que le soufflet ne retombe à nouveau (le premier casse et les interrogatoires par exemple). Certes, en cette période estivale, on acceptera de gentiment se laisser faire pour profiter du climatiseur de la salle de cinéma, et le public le plus indulgent pourra s’amuser devant les twists à répétition et le charisme des acteurs. Louis Leterrier ne semble d’ailleurs pas vouloir faire plus que livrer un divertissement réjouissant sur l’instant. A l’heure où la majorité des blockbusters jouent la carte de la noirceur, du sérieux et des personnages aux multiples failles, peut-on vraiment reprocher au cinéaste son parti pris ? Telle est la seule question cinématographique pertinente que pose Insaisissables, qui aura tout de même du mal à convaincre les cinéphiles, sans que le résultat soit non plus totalement déplaisant. A titre de comparaison, le film ressemble un peu à un tour de magicien de rue : assez impressionnant sur le moment, mais rapidement oubliable.

Insaisissables est au final assez divertissant mais on peut tout de même regretter avec une histoire et des moyens pareils que ce soit un simple faiseur comme Louis Leterrier qui se soit retrouvé avec ce bébé vraisemblablement trop gros pour lui. Si vous voulez un vrai film sur la magie, regardez Le Prestige !

Bande-annonce de Insaisissables

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3 Commentaires »

  1. Jérémy 13 août 2013 at 13 h 37 min - Reply

    Je suis totalement d’accord avec cette critique. J’ai vu le film et j’en ai été assez déçu.

    Ce n’est pas un ratage total, certaines scènes « envoient du bois » mais globalement l’intrigue est confuse et on ressort avec un sentiment de gâchis, parce qu’effectivement le scénario avait vraiment beaucoup de potentiel.

    Bref, dommage, surtout avec un tel casting. Maintenant, le film n’est pas désagréable non plus mais j’ai préféré Le Prestige !

    • Eric
      Eric 15 août 2013 at 11 h 44 min - Reply

      Je suis d’accord avec vous, j’ai largement préféré le Prestige, moins d’esbroufe et largement plus fidèle à l’univers de la magie.

  2. Antoine
    Antoine 16 août 2013 at 10 h 03 min - Reply

    Content que ça vous ait plu ! D’autant plus que j’y suis allé avec ma mère (peu habituée à ce genre de films) qui elle, a plutôt aimée. Mais même si elle n’a pas fait d’études de cinéma, c’était la première à la sortie de la salle à me dire que la réalisation était mauvaise et que la caméra bougeait trop !

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