Critique : The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson)

Antoine 2 mars 2014 1
Critique : The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson)

Réalisateur : Wes Anderson
Acteurs : Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Edward Norton, Saoirse Ronan…
Genre : l’autel d’un génie
Date de sortie française : 26 février 2014
Nationalité : USA
Durée : 1h40
Classification : tout public

Wes Anderson nous convie à pénétrer dans un magnifique hôtel : celui de son génie.

the-grand-budapest-hotel-posterWes Anderson a réussi avec les années à se forger une identité, celle d’un artiste à l’imagination débordante et colorée dont la légèreté se mêle à la gravité dans un ensemble nostalgique et paradoxalement intemporel. Ne tournons pas autour du pot, The Grand Budapest Hotel est à ce jour son œuvre la plus aboutie, où tous ces petits tics de réalisation se retrouvent sublimés par une cohérence folle au sein d’un récit gigogne. En effet, les époques s’enchaînent et se croisent pour raconter le vie de Zero Moustafa (Tony Revolori, prometteur), jeune lobby-boy du prestigieux hôtel qui accompagne le tout aussi prestigieux concierge, M. Gustave (Ralph Fiennes, grandiose). L’établissement requiert un certain soin, une certaine minutie de la part des employés, dont Wes Anderson devient le contremaitre. La symétrie des cadres et la maîtrise de ses mouvements de caméra subliment l’harmonie des couleurs et des détails. Chaque plan devient un tableau de maître, à la manière du Garçon à la pomme au centre de l’intrigue, liant l’aspect artistique du cinéma à celui tout aussi indispensable de l’artisanat.

D’aventure en aventure…

Une joie de vivre aveugle...

Une joie de vivre aveugle…

The Grand Budapest Hotel se présente ainsi comme une analyse de la mécanique du septième art. Le film se divise en cinq parties par des panneaux introductifs, alterne les formats 4/3 et 16/9 et joue de scènes ultra-codées (la course-poursuite, la fusillade, l’évasion…). A l’instar de son histoire, la mise en scène s’adapte à l’époque — le dynamisme de certaines séquences contraste avec de nombreux axes frontaux, héritage du cinéma burlesque. C’est d’ailleurs de cet étonnant mélange que le long-métrage tire sa principale source comique. Les aventures de M. Gustave et de Zero deviennent de plus en plus délirantes et inventives, quand ce n’est pas Anderson qui ponctue lui-même son récit de touches d’humour. The Grand Budapest Hotel n’est pas à la base une comédie, c’est le réalisateur qui le transforme ainsi. Le scénario tourne autour de trahisons, de meurtres et plus généralement des vices humains qui créent des conséquences démesurées. Tout cela tente juste d’être caché par l’élégance que nécessite le monde de M. Gustave.

Fantastic Mr. Gustave.

Il faut croire qu'Anderson confirme la règle Willem Dafoe (à gauche) de Karim Debbache.

Il faut croire qu’Anderson confirme la règle Willem Dafoe (à gauche) de Karim Debbache.

Il est vrai que Wes Anderson accentue la singularité de son personnage dès le début de par ses goûts sexuels (il est gérontophile). Il vit en dehors des contraintes et ne se limite qu’à ses propres règles (notamment le besoin indispensable d’être parfumé avec « L’Eau de Panache »). Le confort de ses clients prime sur le reste, ce qui ne le fait travailler qu’avec les meilleurs (le réputé pâtissier Mendl’s). Malheureusement, son bien bel univers bercé à la poésie romantique se craquèle contre sa volonté quand la violence fait surface. L’entre-deux guerres n’est pas éternelle, même si l’on souhaiterait resté prisonniers de ces années folles qui conviennent autant au protagoniste qu’à Anderson. Le temps rattrape l’idylle, jusqu’à ce que Zero avoue que M. Gustave était déjà issu d’un trop lointain passé.

Wes (Proust) Anderson

Une pléiade d'acteurs !

Une pléiade d’acteurs !

La notion d’héritage parcourt tout le film. Les histoires et l’art doivent se perpétrer. Tandis que Zero raconte la vie de son ami et modèle à un écrivain de passage (Jude Law), Wes Anderson raconte celle du cinéma. C’est certainement par ce besoin de mémoire que le cinéaste s’entoure de grands acteurs, même pour de petits rôles. On se délecte alors de voir tour à tour Adrien Brody, Mathieu Amalric, Willem Dafoe, Jeff Goldblum ou encore Bill Murray. The Grand Budapest Hotel transcende son rapport à la passation quand il l’universalise avec sa recherche de l’humanité au sein d’un monde de brutes. C’est un combat éphémère entre la beauté et le temps que capte le film, une beauté qu’il parvient paradoxalement à rendre intemporelle, donnant à ce chef-d’œuvre le goût d’une madeleine de Proust. Ou devrais-je dire celui d’un magnifique gâteau Mendl’s.

The Grand Budapest Hotel est bien plus qu’un simple bijou visuel. Wes Anderson parvient à créer une œuvre inventive et complète, sublimée par sa farandole d’acteurs. Après La Grande Aventure Lego (l’autre uppercut de ce début d’année), il faut croire que la créativité et l’héritage seront les thèmes chers de 2014.

Bande-annonce : The Grand Budapest Hotel

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Un Commentaire »

  1. Julien
    Julien 9 mars 2014 at 11 h 32 min - Reply

    Pour une fois, je ne suis pas tout à fait d’accord…
    Je m’explique : la forme est sublime (comme toujours chez Wes Anderson) (les cadres sont travaillés au millimètre, le jeu sur la symétrie et les couleurs est très intéressant…). Mais j’ai eu l’impression que tout était là pour masquer une absence de fond.
    Certes c’est très drôle (même si à force je trouvais presque ça lourd), mais on n’assiste qu’à une suite de péripéties, sans fond. Les personnages sont survolés, l’émotion quasi absente (alors que c’était pour moi ce qui avait fait le point fort de Moonrise Kingdom).
    Voilà, donc pour moi une déception.
    Mais quoiqu’il en soit, belle critique, ton point de vu se défend !

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