Critique : Capitaine Phillips

Antoine 26 novembre 2013 0
Critique : Capitaine Phillips

Réalisateur : Paul Greengrass
Acteurs : Tom Hanks, Barkhad Abdi, Cathrine Keener, Mahat M. Ali…
Genre : Capitaine abandonné !
Date de sortie française : 20 novembre 2013
Nationalité : USA
Durée : 2h14
Classification: avertissement

Un cargo, des pirates et l’occasion pour Paul Greengrass de livrer un nouveau film coup de poing.

capitaine phillips affichePaul Greengrass peut se vanter d’être l’un des cinéastes ayant le plus révolutionné Hollywood depuis ce début de siècle. Avant tout documentariste, le bonhomme a contribué à l’acceptation d’une Amérique imparfaite, traquant ses propres héros pour ne pas avouer ses erreurs dans les deux derniers volets de la saga Jason Bourne, mais également une explicitation des dénis, qu’il s’agisse du 11 septembre (Vol 93) ou de la guerre en Irak (Green Zone). Dénonciateur prônant le réalisme tout en restant au service du divertissement couillu, Monsieur Herbe Verte s’est cette fois-ci attelé à un fait divers de 2009 : l’attaque du cargo Maersk Alabama par des pirates somaliens et la prise d’otage du capitaine Richard Phillips.

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Tu la sens, la métaphore du contraste entre le Nord et le Sud ?!

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Caméra à l’épaule maîtrisée, montage alterné efficace, tension palpable : pas de doute, la patte Greengrass est bien là, faisant même de Capitaine Phillips une sorte de film synthèse de sa filmographie. On pourra de ce fait s’étonner du comportement assez caricatural des personnages, avec d’un côté un Tom Hanks très lisse en papa ricain respectable et aimant (l’accessoiriste a même poussé le vice jusqu’à lui donner une tasse avec une photo de sa famille dessus !) et de l’autre des pirates somaliens au bord de la famine n’ayant que pour seul but de rapporter de l’argent. En réalité, malgré cet accent de manichéisme peu commun au réalisateur, Greengrass se révèle bien plus subtil. Au milieu de l’immensité unie de l’océan, les contrastes s’accentuent et se contredisent. Alors que les pirates s’attendent à trouver des voitures et de l’électronique, le cargo ne fait que transporter de l’aide alimentaire. Le capitaine Phillips a bonne conscience mais se rend bien vite compte que cette action n’est que de la poudre aux yeux. De la poudre aux yeux pour laquelle il risque inutilement sa vie, face à « de simples pêcheurs » comme aiment s’appeler les antagonistes contraints de voler l’american way of life illusoire dont ils rêvent. Coincés dans un canot de sauvetage, l’otage et ses kidnappeurs se révèlent finalement presque complémentaires, bien que certains des protagonistes soient trop unidimensionnels.

Les yeux dans la peau.

Des jumelles bien peu utiles...

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Capitaine Phillips devient alors un magnifique film sur l’aveuglement. Celui d’une nation toute-puissante qui n’accepte pas la mauvaise influence qu’elle peut avoir sur des territoires en proie à la famine, et inversement, celui de pauvres somaliens qui ne se rendent compte que trop tard qu’ils se font happer par le système et par l’armée, répétant inlassablement : « Tout va bien aller ». A l’instar de la tasse à café précédemment citée, Greengrass est un expert du détail, filmant les négociateurs avec une précision et un stress qui tache avec leur froideur calculatrice. Face aux différences de taille des navires et des enjeux du film, on devine les évènements tout en se laissant tout de même avoir par le maelström de tension créé par le cinéaste. L’apothéose des cinq dernières minutes devient ainsi l’éclairement qu’attendait le personnage comme le spectateur. Exécutés alors qu’il a les yeux bandés, Rich Phillips finit par voir les cadavres de ses tortionnaires. Il est ensuite ramené sur le navire principal où la dernière séquence s’attarde sur le premier examen médical qu’il subit. Traumatisé par les évènements, il balbutie, pleure et découvre qu’il a du sang de ses ravisseurs sur ses vêtements (et donc sur les mains). Comme pour Matt Damon par le passé, le choix de Tom Hanks dans le rôle-titre se justifie pleinement. Américain célèbre et acteur caméléon, la force de son jeu transparaît tout du long pour dévaster lors de la fin, redevenant une figure lambda comme une autre. Richard Phillips devient alors le nouveau Jason Bourne, en moins actif : étasunien innocent et naïf dont l’horreur de l’expérience lui ouvre les yeux sur les failles du système. Paul Greengrass est encore plus pessimiste qu’auparavant, et n’hésite pas à briser son personnage pour servir son propos affreusement pertinent.

Sans être le meilleur opus de son cinéaste, Capitaine Phillips s’ancre parfaitement dans la filmographie de Paul Greengrass et le conforte dans son rôle d’outsider d’Hollywood. Mais la réussite du long-métrage repose aussi énormément sur la présence magistrale de Tom Hanks et de la révélation Barkhad Abdi.

Bande-annonce de Capitaine Phillips

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