Critique : Blue Jasmine

Antoine 29 septembre 2013 0
Critique : Blue Jasmine

Réalisateur : Woody Allen
Acteurs : Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Bobby Cannavale…
Genre : Comédie déprimée
Dte de sortie française : 25 septembre 2013
Nationalité : USA
Durée : 1h38
Classification : tout public

Quand Woody Allen fait son grand retour, cela donne une critique sociétale pertinente et un magnifique rôle pour Cate Blanchett.

Blue-Jasmine_FRAprès s’être quelque peu perdu et répété durant son « euro-tour », Woody Allen décide de mettre de côté les affres du passé et la nostalgie pour s’atteler à un sujet totalement actuel. Avec son habituel générique accompagné de jazz, Blue Jasmine s’ouvre sur un vol d’avion au cours duquel Jeanette (renommée Jasmine) déballe sa vie à sa voisine. Si les personnages principaux des films de Woody Allen sont explicitement des doubles de lui-même, des bavards invétérés (Boris Yelnikoff dans Whatever Works et Gil dans Minuit à Paris pour les plus flagrants), Jasmine dévoile dès cette première minute qu’elle est malade. En effet, la vieille dame à laquelle elle s’adresse ne la connait pas. Entre deux doses importantes de médicaments et de verres d’alcool, il lui arrive donc de parler toute seule. Sous ses airs de bourgeoise distinguée, Woody Allen craquelle au fur et à mesure de son long-métrage le vernis de Jasmine, contrainte de vivre chez sa sœur caissière après avoir quitté son riche mari qui était en réalité un escroc. La femme élégante qui exhibe ses valises Vuitton s’avère ruinée, déclassée et perdue au milieu d’un quartier populaire de San Francisco.

Ce rêve bleu !

Toujours se méfier des hommes dans les films de Woody Allen. Toujours !

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Blue Jasmine s’amuse alors des contrastes et des paradoxes. De ce retour à la pauvreté, Allen en tire bien sûr un aspect comique constitué de répliques cinglantes. Néanmoins, et comme son héroïne, le film cherche un équilibre entre deux mondes. L’apparence de Jasmine s’estompe pour laisser apparaître ses tourments. Sans aucun effet de style, le long-métrage alterne passé et présent en confondant les décors. A plusieurs moments, Ginger (Sally Hawkins), la sœur de Jasmine, se demande ce que cette dernière savait à propos des magouilles de son mari. Tout comme elle, le spectateur se pose la question, trouvant la réponse au fur et à mesure que le puzzle narratif prend forme, tout en assistant impuissant à sa décadence. La superficialité du protagoniste laisse place à la gravité, et la comédie flirte ainsi avec le mélodrame. Pour magnifier cette dualité, Cate Blanchett trouve certainement son plus beau rôle. Parfaitement consciente de la schizophrénie de son personnage, son visage peut aussi bien refléter son immense grâce que le stress et la dépression nerveuse de Jeanette.

Un jour, mon prince viendra…

Je peux l'avoir mon Oscar, maintenant ?!

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Mal à l’aise en toutes circonstances (elle n’arrive pas à reprendre ses études, n’aime pas son travail en tant que secrétaire, ne supporte pas les amis et les enfants de sa sœur…), Jasmine se perd dans son environnement. Renvoyant encore à la figure de son créateur, il n’est pas étonnant qu’elle choisisse de devenir décoratrice d’intérieur. A l’aide de longs panoramiques et d’une utilisation intelligente de l’espace, Woody Allen décrit par ses décors les goûts mais aussi le émotions de ses personnages. Le jeu des acteurs renforce la théâtralité de l’œuvre du cinéaste, majoritairement composé de renvois de balles perpétuels. Le couple a toujours été symbole de disputes chez le réalisateur, et Blue Jasmine ne se prive pas d’afficher un regard amer sur l’amour et les relations hommes-femmes. De cette réécriture moderne d’Un tramway nommé désir, il fait bien entendu écho à la sombre affaire Madoff. Jasmine veut oublier son passé, mais, à l’instar d’Allen, en est incapable. Toujours aussi rêveur, ce dernier retrouve malgré tout sa conscience du monde moderne pour livrer l’un de ses meilleurs opus récents. Si les personnages de Woody Allen sont explicitement des doubles de lui-même, on peut au moins se rassurer avec Blue Jasmine en constatant que lui, n’est pas devenu fou.

Intelligemment construit, drôle, cinglant, superbement interprété : Blue Jasmine symbolise tout simplement un nouveau grand film pour Woody Allen (et peut-être une nomination à l’Oscar pour Cate Blanchett…). La distanciation que ce dernier prend habituellement avec la réalité s’accorde ici avec l’actualité que touche le long-métrage. Si notre monde est clairement malade, heureusement qu’il y a des réalisateurs comme Allen pour nous le rappeler tout en nous divertissant.

Bande-annonce de Blue Jasmine

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