Critique : Beaucoup de bruit pour rien

Antoine 4 février 2014 0
Critique : Beaucoup de bruit pour rien

Réalisateur : Joss Whedon
Acteurs : Amy Acker, Alexis Denisof, Clark Gregg, Reed Diamond, Nathan Fillion…
Genre : Shakespeare’s The Avengers
Date de sortie française : 29 janvier 2014
Nationalité : USA
Durée : 1h48
Classification : tout public

Une pause récréative transformée en grande adaptation, tel est l’exploit du nouveau film de Joss Whedon.

AFF_WHEDONVERSE_40x60.inddJoss Whedon qui adapte Shakespeare ?! Certes, cela peut étonner au premier abord, mais il ne faut pas oublier que la mise en scène du papa de Buffy contre les vampires et de Firefly a toujours été influencée par le théâtre. Avant tout placement ou mouvement de caméra, ce qui importe chez Whedon, ce sont ses acteurs. Leur implication et la captation de leur jeu sont primordiales, surtout quand le bonhomme possède un casting aussi riche que celui de son film choral Avengers, dont il exploitait avec brio tout le talent au service d’un film d’action efficace et fun. En bref, on pourrait résumer Joss Whedon à un cinéaste de grosses productions qui parvient à ne jamais oublier le facteur humain. Sauf qu’une fois lâché de la pompe à fric marvelienne, il s’est permis une pause d’une douzaine de jours pour adapter le grand William… avec les moyens du bord.

Un dessin vaut mieux qu’un long discours.

La séduction par les masques.

La séduction par les masques.

Ainsi, ce qui convainc de prime abord dans cette nouvelle version de Beaucoup de bruit pour rien, c’est sa simplicité. Loin de toute grandiloquence qui serait tentante au vu d’une adaptation de Shakespeare, Whedon privilégie une transposition moderne appuyée par un noir et blanc sobre, à l’image des tenues des protagonistes. La propriété de Don Leonato devient la villa du réalisateur, dont l’organisation et la clarté qui rappellent une pub Ikea offrent une lumière savamment maîtrisée. L’aspect lisse de certaines surfaces contraste l’absurdité de quelques situations (dues par ailleurs au langage soutenu par rapport au contexte). De joutes verbales en fausses apartés, il est indéniable que Shakespeare a écrit avec sa pièce un brillant exercice sur la parole au théâtre. Joss Whedon réussit alors l’exploit de transcender le texte par le mouvement. Le huis clos s’avère paradoxalement aéré et les personnages peuvent ainsi se mouvoir à leur guise en déclamant leurs répliques. Seul le mobilier semble faire obstacle, allant jusqu’à créer chutes et cognages au sein de ses trépidantes aventures amoureuses. Le comique de langage s’accorde à un comique burlesque étonnant mais adéquat.

« Être ou ne pas être acteur, telle est la question ! »

Quand Castle se prend pour un flic...

Quand Castle se prend pour un flic…

Bien entendu, la réussite du film repose également sur le jeu des acteurs. Whedon universalise d’autant plus l’œuvre de Shakespeare qu’il propose un long-métrage très personnel, prenant la forme réjouissante et sans prétention d’un film de potes. Tous ses acteurs fétiches sont là, de Amy Acker à Alexis Denisof en passant par Clark Gregg et Nathan Fillion. Il prend un plaisir complice à sublimer leurs gestes et leurs déplacements qu’il connaît désormais par cœur. L’immobilité scénique de certains cadres s’alterne avec des travellings qui soulignent la dynamique de l’adaptation et le sentiment d’un ping-pong verbal. Bien plus qu’une simple déclaration d’amour à la beauté des textes shakespeariens, Whedon signe un bien bel hommage au métier d’acteur, qu’il vienne du théâtre ou du cinéma. Tel Al Pacino et son documentaire interrogatif Looking for Richard, le réalisateur d’Avengers brouille les limites entre les deux arts. Ce qui s’annonçait dès lors comme un exercice de style décontracté devient un grand film, qui prouve que Joss Whedon n’a pas fini de nous étonner.

Petit budget pour le roi du box-office, Joss Whedon montre avec Beaucoup de bruit pour rien qu’il est capable de tout. Magnifiant ses acteurs au service d’une adaptation intelligente et modeste, le réalisateur s’offre une bouffée d’air frais qu’il partage avec le spectateur. « Que ne suis-je un cinéaste ! »

Bande-annonce de Beaucoup de bruit pour rien

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