Critique : Ashita no Joe

Benny 17 avril 2015 0
Critique : Ashita no Joe
  • Scénario
  • Character-design
  • Animation
  • Direction artistique
  • Bande-son

Dans le petit monde de l’animation japonaise, il existe des oeuvres sans lesquelles cet art n’aurait sans doute jamais été ce qu’il est aujourd’hui. Certaines oeuvres qui sont elles-mêmes aussi marquantes plus de trente ans après leur création, qu’elles ont donné naissance à un genre très particulier, qu’on revoit depuis adapté à toutes les sauces, je veux bien sûr parler du  shônen « nekketsu ». Et si certaines oeuvres comme celles de Toriyama ont indéniablement marqué toute une génération biberonnée au Club Dorothée, d’autres sont restées injustement oubliées, alors qu’elles n’avaient pourtant rien à envier au Roi des Singes et à sa clique de guerriers dopés aux stéroïdes.  Ouvrez bien vos oreilles les enfants, on va donc causer aujourd’hui d’un monument du genre, Ashita no Joe

Format : Série TV
Année : 1970 / 1982
Titre original : Ashita no Joe
Nombre d’épisodes : 79
Genre : Sport / Drame / Boxe
Studio d’animation : Mushi Production / Tokyo Movie Shinsha
Chara-design : Sugino Akio
Auteur : Chiba Tetsuya / Takamori Asao
Musique : Yagi Masao
Diffuseur : Fuji TV
Réalisation : Dezaki Osamu / Toshio Takeuchi

ashita_no_joe0Synopsis : Joe Yabuki est un jeune voyou sans le sou et sans toit qui erre au gré de ses envies. Un jour, il échoue dans un quartier mal famé de Tokyo et fait la connaissance de Danpei Tange, ancien boxeur et entraineur pro qui a tout perdu et qui a sombré dans la boisson. Lorsque ce dernier remarque les capacités et le punch incroyable de Joe, il voit en lui un futur grand boxeur, mais malheureusement le jeune prodige se moque complétement du rêve de Danpei et de la boxe. Pourtant, lors de son séjour en maison de redressement, il rencontre Toorû Rikiishi, un boxeur professionnel qui va lui infliger la défaite. Une fois ses esprits retrouvés, Joe se met en tête de battre son nouveau rival et commence donc à s’intéresser à la boxe…

Une oeuvre fondatrice, la création d’un genre

Avant de vous parler plus en détail de ce qui fait d’Ashita no Joe une oeuvre fondatrice du genre nekketsu, il est essentiel de revenir quelques instants sur l’histoire du manga. En effet, si de nos jours la quasi-totalité des productions actuelles se revendiquent du genre « nekketsu », c’est qu’elles partagent certaines caractéristiques communes, comme un protagoniste   charismatique, un but à atteindre à tout prix et des affrontements épiques. Et si dans les productions actuelles, on retrouve sans peine ces quelques caractéristiques, il en est une  que l’on a quelque peu oubliée en chemin, et qui est pourtant fondamentale au genre : l’apprentissage par la défaite  et la notion de drame social. En effet, si dans quelques anime récents on nous sert toujours des bastons épiques qui ont souvent tendance à traîner en longueur, l’aspect « social/tranche de vie » est trop souvent en retrait, l’auteur préférant souvent se concentrer sur les affrontements afin de ne pas perdre son public. Mais allons-y tranquillement, je ne voudrais pas vous perdre en cours de route…

Nous sommes le 1er janvier 1968, soit plus de quinze ans avant la naissance du shônen que l’on connaît aujourd’hui. Le « shônen », que l’on appelle alors « Geikiga » (« images dramatiques ») n’en est qu’à ses débuts. Et pourtant, Tetsuya Chiba et Asao Takamori entament alors la publication d’un manga sur la boxe qui donnera ses lettres de noblesse à un genre entier, et bouleversera tout un peuple. Ashita no Joe était né. 31 août 1970, en pleine guerre du Viet-Nâm, l’armée japonaise détourne un avion, et les preneurs d’otages s’exclamèrent « Nous sommes Ashita no Joe ». Peu de temps après, le manga se terminera au sommet de sa popularité sous la pression des autorités japonaises qui considérèrent Ashita no Joe comme trop subversif pour être diffusé. Beaucoup de bruit pour un simple manga me direz-vous ? Détrompez-vous…

 Un scénario intelligent

Bon, on va pas se mentir, même si aujourd’hui le concept est vu et revu à toutes les sauces, en son temps, Ashita no Joe c’était quelque chose. Et si les shônens actuels lui doivent une grande partie de leur succès outre le fait qu’en 1968, les Toriyama, Kishimoto et autres Araki étaient sans doute encore en couches culottes, c’est grâce à son scénario foutrement bien écrit pour l’époque. Je m’explique…

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La boxe à haut niveau peut laisser quelques séquelles…

Là ou les shônens actuels se bornent à nous présenter des personnages aux capacités abusées qui gagnent leurs affrontements sans forcer (ou alors vraiment peu), Ashita no Joe fait les choses à l’ancienne, la dimension sociale de l’oeuvre n’est pas mise à la trappe puisqu’on voit le héros évoluer tout au long de ses rencontres. En effet, si au départ Joe rit au nez de Dampeï lorsque celui-ci lui propose de l’entraîner pour devenir boxeur, c’est véritablement sa mésaventure en prison qui va le transformer et lui donner un but à atteindre : vaincre le seul adversaire qui lui ait infligé une défaite dans un premier temps, et par la suite devenir le meilleur boxeur du monde. Et si les premiers affrontements se réglent assez rapidement, la violence des combats n’est pas édulcorée. Il ne sera pas rare de voir Joe Yabuki repousser ses limites après avoir manqué de se faire démolir le crâne par deux trois patates dans les gencives. Mais là ou bon nombre de shônens axés sur le sport (comme Hajime no Ippo pour ne citer que lui) se contentent de montrer la violence physique, Ashita no Joe prend le parti de montrer également les dégâts psychologiques de la boxe. En effet, l’oeuvre n’en oublie pas pour autant d’être une satire sociale avant tout et montre sans artifice les côtés les plus sombres du monde de la boxe. On s’approche donc plus du drame sportif que d’un manga bête et méchant sur la boxe. Pertinent, n’est-ce pas ?

Un character-design qui en impose

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Le coup de crayon de Tetsuya Chiba n’a pas pris une ride malgré les années…

Côté character-design, chaque personnage est charismatique et en impose d’emblée. Et avec un trait à la fois anguleux et précis c’est limite si on pourrait limite ressentir le vécu et le désespoir des protagonistes. Il n’y a qu’à voir le faciès de Reikishi ou de Carlos Diaz pour s’en convaincre. Si l’on admettra aisément qu’un coup de crayon aussi réaliste n’a rien à envier aux manga actuels, il est tout de même impressionnant de constater que le trait du regretté Tetsuya Chiba à près de 50 ans reste toujours aussi percutant malgré les années…

 Une animation et un découpage très moderne

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Le fameux « cross-counter » entre Joe et Reikishi à été repris par tous les shônen contemporains…

Bon, comme j’en parlais quelques paragraphes au dessus, Ashita no Joe a beau frôler la cinquantaine, malgré son âge, la qualité de son animation ainsi que sa fluidité pour l’époque restent encore aujourd’hui des standards à suivre pour toute la génération de mangakas actuels. Il n’y a voir la planche du fameux « cross-counter » entre Joe et Reikishi depuis reprise et réadaptée dans tous les shônen contemporains pour se convaincre de l’empreinte indélébile d’Ashita no Joe sur le shônen actuel. Chaque mouvement et chaque coup sont donc minutieusement retranscrits sur le papier et il n’est pas rare d’éprouver des frissons à la simple vue de l’impact des coups grâce au trait précis de Tetsuya Chiba.

 Une direction artistique intemporelle

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Si vous êtes intéressé, privilégiez la réédition de Glénat en treize tomes parue en 2010, elle reste très abordable…

Si l’on admettra évidemment que la première adaptation de 1970 aura pris un coup de vieux pour les plus jeunes spectateurs, il est toutefois intéressant de voir que la seconde version de 1982 est tout aussi réussie, même si il est regrettable que l’anime n’ait pas eu droit à une diffusion complète lors de sa sortie. Ashita no Joe est certainement un des oeuvres qui résiste le mieux à l’injure du temps, notamment grâce à un coup de crayon photoréaliste et ses personnages à la psychologie remarquablement travaillée qui reste encore aujourd’hui une source d’inspiration pour beaucoup de mangakas contemporains. On conseillera donc aux intéressés la réédition papier de 2010 en treize tomes de Glénat, qui reste somme toute très abordable au vu de l’anciennété de l’oeuvre…

Une bande-son de grande qualité

Certes, on passera outre la qualité du son qui pourra prêter à sourire, mais il faut avouer que le travail sonore effectué sur Ashita no Joe force le respect. Chaque morceau, chaque note convient à merveille à chacune des situations rencontrées. On alternera assez souvent entre des morceaux qui vous mettront les larmes aux yeux, et des morceaux plus pêchus qui souligneront le caractère épique des affrontements. Il vous suffira d’ailleurs d’écouter l’opening de la version de 1970 pour en être convaincu…

En plus de l’héritage qu’il a légué, Ashita no Joe est donc une oeuvre à part entière, un morceau d’histoire du genre. Si l’on admettra aisément que certains ont fait mieux depuis, il n’en reste pas moins qu’Ashita no Joe reste encore aujourd’hui un modèle d’écriture et de mise en scène auxquels l’animation japonaise doit beaucoup. Un incontournable donc, à se procurer d’urgence !

Trailer de « Ashita no Joe »

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