Critique : American Bluff

Antoine 12 février 2014 0
Critique : American Bluff

Réalisateur : David O. Russell
Acteurs : Christian Bale, Amy Adams, Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Jeremy Renner…
Genre : Habile manipulation
Date de sortie française : 5 février 2014
Nationalité : USA
Durée : 2h18
Classification : tout public

 
David O. Russell s’apprête à repartir avec quelques Oscars pour son nouveau film au casting cinq étoiles. Mais est-ce que la formule n’est pas trop bien rodée ?

American-BluffPetit chouchou d’Hollywood, David O. Russell a, semble-t-il, pris conscience de son image d’auteur à la technique irréprochable et passe-partout qui lui vaut depuis quelques années les faveurs des Oscars. American Bluff (ou Hustle en anglais… allez savoir pourquoi on a changé pour mettre un autre titre anglais !) le montre dès sa longue introduction, avec cet équilibre si cher au cinéaste entre une mise en scène inspirée, un scénario descriptif d’une époque mais restant à échelle humaine et des prestations d’acteurs ébouriffantes (le terme est ici de bon aloi). Le problème, c’est que ce nouveau long-métrage en deviendrait presque calibré, voire opportuniste. L’histoire, partiellement inspirée d’un coup monté du FBI soutenu par deux arnaqueurs importe finalement peu au réalisateur qui la fait traîner en longueur. On ressent une forme de tri dans la production du film qui se complaît dans sa mise en scène un peu trop démonstrative. Fort heureusement, les nombreuses qualités d’American Bluff parviennent assez vite à éclipser ces défauts, avant que David O. Russell ne les utilisent même pour justifier son propos.

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Être ou ne pas être cinéaste...

Être ou ne pas être acteur…

A travers ses effets parfois criards, American Bluff est au final un bel exemple de crise d’identité artistique de la part de David O. Russell qui remet (involontairement ?) son cinéma en question. Il faut dire que le sujet s’y prête avec ses faux-semblants et ses renversements de pouvoir. Les arnaques sont décortiquées, à l’image des tics du réalisateur. La reconstitution fidèle et drôle de la fin des années 70 permet de montrer explicitement le jeu des masques qu’il entreprend. Le vernis des personnages se craquèle au fur et à mesure, comme celui de Rosalyn (Jennifer Lawrence) et son étrange parfum. C’est alors qu’American Bluff utilise sa pièce maîtresse : son casting. Une fois passée la vision d’horreur de leur look, et plus particulièrement la coiffure de Bradley Cooper et la bedaine de Christian Bale, l’ambition d’O. Russell transparaît : il laisse ses acteurs s’amuser à incarner de piètres acteurs. L’occasion d’une réflexion pertinente sur le métier de comédien, sublimée par la question d’Irving Rosenfeld à Richie DiMaso à propos d’un faux Rembrandt que tout le monde croit vrai : « Qui est le maître ? Le peintre ou le faussaire ? »

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Un jeu de miroir magnifique et fascinant.

Un jeu de miroir magnifique et fascinant.

Le mensonge est alors perçu comme un moyen de survivre, un péché universel ici poussé de manière névrosée. American Bluff n’en est jamais moralisateur pour autant. Il n’oublie pas son aspect fun et dansant, appuyé par des travellings avant virtuoses et des tubes standards de l’époque. Si l’affaire en elle-même peut sembler inintéressante, O. Russell soigne l’écriture de ses personnages, transformant ainsi ces loosers en figures sympathiques et attachantes. Il s’agit probablement du plus grand tour de force du film, dont les acteurs ont compris l’importance. On peut voir chez chacun d’entre eux — même si Amy Adams et Christian Bale mènent la barre — une alliance entre recherche dans la personnification et cabotinage. Mais au milieu de ce long-métrage mouvant aux protagonistes agités (celui de Jennifer Lawrence notamment), c’est la face cachée qui attire l’attention ; ce moment de préparation, où le cinéaste capte comme les coulisses d’une représentation, où la profession de ses héros devient un art en soi. Les masques se fabriquent, les cheveux se posent sur un crâne chauve et le bouton du spray de laque est pressé. C’est durant ces instants suspendus dans le temps, ces pauses contemplatives des corps et des âmes, qu’American Bluff séduit le plus.

Malgré ses défauts qui relèvent plus de la forme et de l’intention, American Bluff réussit son arnaque par une étrange séduction. Les acteurs et l’écriture des personnages y sont pour beaucoup, mais David O. Russell pose finalement une réflexion sur le Hollywood actuel plutôt pertinente. Reste à savoir si cette dernière est volontaire…

Bande-annonce de American Bluff

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